Un ministre n'a pas la science infuse. Mal conseillé il commet des erreurs. Mal secondé il peut aggraver ces erreurs. Cela se passe à l'enseignement supérieur. Pas très joli ce que nous allons voir... Rétropédalage. C'est une perle de la communication que nous vous livrons cette semaine. Voici brièvement les faits. Samedi dernier, Tahar Hadjar, notre ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a fait une bourde. Et une grosse. Au cours d'une réunion avec des associations estudiantines, il lance: «Nous envisageons de supprimer l'extrait de rôle délivré par les services des impôts ainsi que le relevé des émoluments des parents dans les dossiers de bourse des étudiants de manière à octroyer à chaque étudiant une bourse, indépendamment de la situation matérielle et financière de ses parents». Pour être mieux compris, il rajoute que «la bourse est destinée aux étudiants et non aux parents d'où notre intention de supprimer à l'avenir l'extrait de rôle dans le dossier de bourse». Voilà qui est on ne peut plus clair. Hadjar annonce «la bourse pour tous». D'abord une telle décision serait injuste. L'Etat ne peut pas, ne doit pas, aider de la même façon l'étudiant ou l'étudiante dont les parents sont sur les tablettes du ministère de la Solidarité nationale avec les enfants de parents milliardaires. Ensuite et au lieu de généraliser l'octroi de la bourse, la sagesse aurait commandé de se servir du financement complémentaire pour ajouter des «épinards» aux boursiers nécessiteux. Mais comme nous ne sommes pas encore sortis de la crise financière, une telle éventualité aurait été prématurée. Mais qu'importe, le ministre a, incontestablement, voulu bien faire. Ses intentions étaient bonnes. Il voulait apporter de la joie dans les campus. Ce sont ses conseillers qui l'ont induit en erreur en lui faisant croire qu'il était possible de donner la bourse à tous les étudiants. Leur conseil était d'autant malveillant que la réglementation en vigueur ne le permettait pas. Il aurait fallu au préalable modifier les textes en vigueur. Ce n'est qu'après coup que le ministre s'est rendu compte qu'il avait tout faux en faisant cette annonce. Se pose alors la question de savoir comment «rectifier le tir». Dans la communication en général et dans l'information en particulier une telle situation est archiconnue sous la désignation de «communication de crise». En réalité, quand le «coup est parti», comme c'était le cas samedi dernier, la communication du ministre pouvait limiter les dégâts. Pas les aggraver comme cela a été fait dans un communiqué publié lundi pour «démentir» ce qui a été dit samedi. On ne dément pas ce que tout le monde a entendu, enregistré, filmé. On ne dément pas une annonce sur laquelle on s'est longuement attardé. Un service de communication performant aurait évité de verser dans le ridicule en niant totalement l'information de samedi. Nous sommes en 2018. Nous sommes au troisième millénaire. Nous sommes en pleine révolution numérique. Nous sommes en pleine vitesse dans la circulation de l'information. Nous sommes face à la multiplication des supports médias. Des réseaux sociaux. Ce qui a été réussi avec le démenti c'est d'avoir aggravé les effets de la bourde. En accusant les médias d'avoir colporté une fausse information dans ce cas précis, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ne fait que s'enfoncer dans l'erreur. La communication moderne a prévu des moyens nobles et élégants pour affronter de telles situations. Au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique on n'ignore rien des voies et moyens qui existent en pareil cas puisque nous sommes à la source du savoir. Tout est parti d'un allégement des documents à fournir par l'étudiant dans son dossier de demande de bourse. Il s'agissait seulement d'annoncer la suppression de l'extrait de rôles des parents. Et de dire que c'est l'administration du ministère qui s'occupera de récupérer directement, via Intranet, auprès des services du fisc, ledit document. Cela fait partie de la modernisation des structures de l'Etat qui, du coup, facilitent la vie des citoyens. Au lieu de se contenter de cet aspect seulement, il y a eu débordement sur quelque chose de fictif. On notera également que l'annonce de samedi n'a pas eu d'effets sur les campus. Cela s'explique par la modicité de la bourse en question. 4000 DA par trimestre n'est pas une somme qui ferait sauter de joie un étudiant fils de milliardaire. C'est pourquoi l'annonce est passée presque inaperçue. C'est le démenti qui lui a donné plus de «mordant». Nous nous surprenons à «relever les bretelles» d'un ministère qui supervise l'enseignement des sciences de la communication. Inqualifiable! [email protected]