Il est le responsable de l'Orchestre national des jeunes d'Algérie qui vient tout juste d'être créé. Il nous parle de ses objectifs et perspectives... L'Expression: Pourquoi cet orchestre national des jeunes d'Algérie? Salim Dada: Je suis d'abord compositeur, chef d'orchestre, musicologue et enseignant. C'est l'observation du terrain qui m'a conduit à cette idée, autrement, le manque terrible d'activité collective en termes de formation musicale ici en Algérie. Ceci pénalise la formation et les musiciens aussi qui sont étudiants ou sortants de l'école. Ainsi, après l'obtention de leur diplôme et n'habitant pas forcément dans les grandes villes, après avoir quitté les instituts, ils n'ont aucune chance de reprendre leur instruments ou de jouer avec d'autres. Or, la musique est d'essence un jeu sociétal, un jeu collectif et tout le plaisir de faire la musique c'est de le partager avec les autres. J'ai pensé donc aux étudiants, aux ressortissants, mais aussi aux autodidactes, comme je l'étais à une époque. Il y a des villes où il n y a pas de conservatoire, pas d'instituts. J'ai donc pensé à eux en me disant pourquoi ne pas créer un orchestre de jeunes d'Algérie digne d'un orchestre symphonique qui assure une programmation assez élevée au niveau de la compétence technique ou de la compétence musicale. L'idée c'est de faire un orchestre aussi qui pallie en quelque sorte ce manque sous forme de formation continue. Cela se traduira par des stages d'une semaine qui seront toujours ponctués par un ou deux concerts. Ce seront des rencontres périodiques, une fois tous les trois mois, on sera tous ensemble. L'idée c'est que l'orchestre s'agrandisse et qu'on ait à un moment donné un son d'orchestre unifié, avec tout ce que l'on connaît des orchestres symphoniques. Comment êtes-vous parvenu à faire cette sélection sans distinction entre les autodidactes et les étudiants formés dans des instituts? Il y a certainement un certain clivage entre les lecteurs et non-lecteurs, ceux qui étudient la musique et ceux qui la jouent comme on dit à l'oreille. Moi je veux qu'on cesse de parler de ça parce qu'aujourd'hui il n'y a aucun musicien professionnel qui ne sait pas lire. Moi personnellement j'ai fait et l'école de musique traditionnelle, la musique arabe, arabo-andalouse, le chaâbi, mais je joue aussi de la guitare, je lis les partitions, j'écris de la musique et je pense qu'il y a forcément un antagonisme entre les deux. L'idée de ramener aussi des autodidactes c'est bien, car ils ont quelque chose, l'envie, la passion et ils ont une sensibilité musicale incroyable. Je pense que le fait de les ramener à se rencontrer et à se confronter à d'autres musiciens de la tradition de l'écriture, ça va donner quelque chose. C'est un partage. Ce sont deux systèmes qui peuvent être à un moment donné complémentaires. C'est quoi la différence entre cet orchestre et celui qui existe déjà? Nous avons fait un appel à candidature. On n'a pas choisi les gens, mais on a laissé les jeunes se proposer, envoyer des vidéos, passer un entretien etc. c'était primordial. Car il faut qu'on sache qu'un orchestre normalement n'est pas figé. Il est en constante dynamique. Il tend vers l'amélioration. Là, on a eu des exemples incroyables. On a reçu des candidatures de villes, des musiciens qu'on ne soupçonnait même pas jouant aussi d'instruments qu'on ne soupçonnait même pas non plus. Cela nous a permis de faire une sorte de ratissage national. Cette idée-là d'intégrer l'orchestre par le mérite, ça va motiver je pense d'autres jeunes musiciens, mais aussi leur redonner la confiance, aussi pour ne pas se dire que cela se limite juste à Alger. Il y a vraiment les 48 wilayas, même l'extérieur du pays. Je pense que c'est une valeur importante, donner confiance aux jeunes qui peuvent y croire, que leurs compétences, leur envie et passion pourraient leur permettre d'intégrer un orchestre symphonique. Une sélection nationale qui représente l'Algérie également. Est-ce que cet orchestre composé de jeunes va se limiter à jouer seulement de la musique classique ou d'autres styles de musique? Objectivement parlant, l'idée est de jouer un répertoire très éclectique qui va du baroque du XVIIe siècle à la musique contemporaine du XXIe siècle, en passant par la musique de films car le répertoire est très riche pour le symphonique. Tout y passera. On jouera de la musique du XXIe siècle qu'on a rarement entendu, malheureusement, ici en Algérie. Là, par exemple, le menu est composé d' un Haitor Villa- Lobos, un compositeur brésilien, mort en 1959. Mais aussi de Evard Grieg qui est un compositeur norvégien romantique, du Vivaldi et il y aura aussi ma musique, celle du film Augustin, le fils de ses larmes et enfin une danse symphonique...