ISWAP, une faction de Boko Haram directement affiliée au groupe Etat Islamique, mène, depuis plus de six mois, des attaques d'envergure visant directement les bases militaires. Dans ce pays dévasté par le conflit meurtrier du groupe terroriste Boko Haram, l'ancien général Buhari apparaissait, lors de son élection, tel un messie. «Il y a eu beaucoup d'améliorations au point de vue de la sécurité quand Buhari est devenu président», se souvient Mudi, originaire de Baga, sur les rives du lac Tchad, au coeur de l'insurrection. «Malheureusement, ces derniers mois, Boko Haram a refait surface et la situation s'est détériorée», regrette le pêcheur. Un constat partagé par presque tous, au Nigeria, à un mois de la présidentielle, lors de laquelle Muhammadu Buhari brigue un nouveau mandat. Il y a quatre ans, il avait bénéficié des erreurs de son prédécesseur et adversaire Goodluck Jonathan, et notamment de son inaction face à Boko Haram. Entre 2014 et 2015, les terroristes étaient parvenus à s'imposer sur de larges portions de territoires du nord-est, et le monde entier s'était ému de l'enlèvement de plus 200 lycéennes à Chibok. Buhari, grâce à son origine nordiste et son passé militaire, paraissait à même de résoudre ce conflit. Ses débuts ont été prometteurs. Les territoires aux mains du groupe ont été repris, et le moral des soldats était au beau fixe, avec un équipement de meilleure qualité et des salaires enfin versés régulièrement. Des milliers de personnes, en otage ou vivant sous la domination des terroristes, ont été libérées par l'armée ou après d'âpres négociations, comme ce fût le cas pour 107 des 219 lycéennes de Chibok. Mais plus inquiétant encore, Iswap, une faction de Boko Haram directement affiliée au groupe Etat Islamique, mène, depuis plus de six mois, des attaques d'envergure visant directement les bases militaires, qui ont fait des dizaines, voire des centaines de morts parmi les soldats. Début janvier, le chef de l'état, qui s'était désigné également chef des armées a reconnu qu'après 10 années de conflit, les troupes étaient épuisées et démoralisées. En dix ans, plus de 27.000 personnes ont été tuées. Mudi Bawa fait partie des 1,8 million d'habitants qui ne peuvent toujours pas regagner leur foyer. Les ONG lancent régulièrement des appels à l'aide, alertant sur la «tragédie humanitaire» en cours autour du lac Tchad. La situation dans la région indépendantiste du Biafra (sud-est), bien que calme depuis plusieurs mois, reste explosive, sans parler des contestations récurrentes des musulmans chiites, régulièrement réprimées dans le sang. Cette situation délétère inquiète à l'approche du scrutin du 16 février et perturbera sans aucun les votes dans plusieurs régions du pays. Les Etats du centre, au coeur du conflit pastoral entre éleveurs et agriculteurs, qui avaient rallié en 2015 le Congrès des progressistes (APC) de Buhari peuvent basculer cette fois à ses dépends. Son opposant, Atiku Abubakar, candidat du Parti populaire démocratique (PDP) sera attendu sur ces questions, mais «peu importe le vainqueur», regrette l'analyste nigérian. Ce géant de 180 millions d'habitants «ne deviendra pas un Eldorado sécuritaire en un jour».