La libération par le groupe islamiste Boko Haram des écolières enlevées en février dernier soulève à nouveau l'espoir d'une trêve au Nigeria Alors que les écolières de Dapchi enlevées en février étaient libérées par Boko Haram, les autorités nigérianes ont dévoilé l'existence de pourparlers de paix avec le groupe jihadiste, après presque 10 ans d'insurrection dans le nord-est du Nigeria. Les négociations, tenues secrètes, ont commencé il y a plusieurs mois afin de trouver une solution durable au conflit qui mine la région du lac Tchad, en envisageant notamment des amnisties pour les «repentis». «Le gouvernement est plus que jamais prêt à accepter le dépôt inconditionnel des armes par tout membre du groupe Boko Haram qui ferait preuve d'une ferme détermination», a déclaré le président Muhammadu Buhari la semaine dernière, après avoir rencontré les écolières libérées dans la capitale fédérale. «Nous sommes prêts à réhabiliter et à intégrer de tels repentis dans la société», a insisté M. Buhari, martelant que «ce pays a assez souffert du conflit». Un total de 111 écolières avaient été enlevées le 19 février à Dapchi, dans le nord-est du Nigeria, un kidnapping de masse perpétré par Boko Haram qui rappelle celui de Chibok en 2014, lorsque plus de 200 filles avaient été enlevées. Le drame a connu un dénouement inattendu, quand un convoi arborant le drapeau noir de Boko Haram est revenu à Dapchi sans rencontrer aucune résistance la semaine dernière, cette fois-ci pour ramener les jeunes filles. Un cessez-le-feu d'une semaine avait été décrété le 19 mars au terme d' «intenses négociations officieuses» pour leur libération, a expliqué par la suite le ministre de l'Information, Lai Mohammed. Le gouvernement nigérian n'a cessé de nier les rumeurs sur le paiement d'une rançon ou la libération de prisonniers en échange des écolières. «La seule condition des insurgés était la cessation des hostilités et un cessez-le-feu temporaire pour leur permettre de ramener les filles là où ils les avaient enlevées», a assuré à la presse le patron des services de renseignement nigérians, Lawal Daura. Plus largement, les pourparlers avec Boko Haram concernent «l'éventualité d'une cessation permanente des hostilités» et la «possibilité d'accorder l'amnistie aux repentis», bien que les espoirs de trêve pourraient être compromis par les divisions au sein du groupe jihadiste, a-t-il précisé. Selon une source proche du dossier, le gouvernement a négocié la libération des filles de Dapchi avec le groupe d'Abou Mossab Al Barnawi, affilié à l'Etat islamique. Al Barnawi, fils du fondateur de Boko Haram, Mohammed Yusuf, dirige une faction rivale de celle d'Abubakar Shekau, l'ancien bras droit de Yusuf. «Des pourparlers ont eu lieu entre le gouvernement et les insurgés de la faction Al Barnawi», a déclaré cette source sous couvert d'anonymat. «Le principal casse-tête est maintenant d'étendre les discussions à la faction Shekau, qui est opposée aux négociations». Toujours selon cette source, les contacts avec le camp Al Barnawi avaient commencé dès juillet 2017, après une embuscade tendue à une mission d'exploration pétrolière ayant fait 69 morts près du lac Tchad. Mais pour l'analyste Ryan Cummings, la conclusion d'un accord avec une faction ne garantit pas que l'autre faction suivra. «Vous ne parlez pas à un groupe d'insurgés centralisé et homogène», a expliqué M. Cummings. «Boko Haram est un mouvement parapluie composé de diverses factions aux motivations différentes, certaines idéologiques, d'autres de profit, parfois une combinaison des deux». Au Nigeria, certains craignent en outre que Boko Haram utilise ces pourparlers comme une diversion pour se regrouper et se réorganiser. «L'armée est contre les négociations avec les groupes rebelles, en particulier dans le cadre des libération d'otages, qui impliquent souvent des paiements de rançon», affirme une autre source participant aux discussions. Certains responsables militaires ont «l'impression que Boko Haram veut profiter de la trêve pour gagner du temps», affirme cette source. Ce n'est pas la première fois que le Nigeria envisage un cessez-le-feu avec Boko Haram. En 2014, le gouvernement de l'ex-président Goodluck Jonathan avait affirmé avoir conclu un accord avec les insurgés, mais les attaques avaient repris de plus belle peu de temps après. Après son élection en 2015, M. Buhari avait également envisagé une amnistie pour les combattants de Boko Haram, en échange de la libération des filles de Chibok. «Nous avons déjà eu des discussions sur le cessez-le-feu qui se sont révélées être des illusions», relève l'analyste politique Chris Ngwodo. «La différence ici est qu'il s'agit visiblement d'une initiative visant une faction spécifique de Boko Haram», explique M. Ngwodo. «C'est peut-être la première fois, du moins publiquement, que le gouvernement fédéral tente d'exploiter les factions».