La mobilisation de quelques milliers d'étudiants, issus de différentes facultés d'Alger, a montré, une fois de plus, mardi dernier, que le Hirak n'est pas prêt à rengainer ses revendications alors que des partis de l'opposition ont pris conscience de la nécessité de sortir le pays du marasme dans lequel il est plongé, depuis plus de deux mois. Conjuguée à celle des avocats qui tiennent leur sit-in, ici et là, la journée du «Soumoud» aura vu des représentants de différentes villes universitaires battre le pavé devant le siège de l'APN où ils ont exprimé leur rejet de l'élection présidentielle du 4 juillet prochain, tout en appelant à une transition avec «une personnalité consensuelle». Des discours qui viennent, une fois de plus, étayer les revendications habituelles du Hirak tandis que de plus en plus de voix s'élèvent et s'accordent, pour souligner l'urgence d'un dialogue constructif, de nature à lever les équivoques et à ouvrir la voie à une solution de la crise qui n'a que trop duré, hypothéquant d'ailleurs l'année scolaire et universitaire d'un grand nombre de jeunes filles et de jeunes gens. Il ne faut pas ignorer, en effet, les divisions qui minent un mouvement, en apparence solidaire et massivement engagé pour des revendications majeures. Sans doute, les manifestants du vendredi ont, chaque fois, démontré leur attachement au caractère pacifique du Hirak et ce depuis le 22 février dernier, mais les observateurs auront relevé depuis deux semaines, au moins, le clivage non apparent et pourtant réel entre une catégorie qui demeure attachée à la relation fraternelle avec l'armée et une autre qui montre de l'inquiétude et une certaine impatience en ce qui concerne la «fin du système», illustrée par le «dégagisme» de tous ses symboles. L'apparent unanimisme contre la corruption pourrait-il se satisfaire des efforts consentis au cours des semaines écoulées pour assainir ce qui peut l'être? Là encore, la question est aisée mais l'action est difficile, tant le fléau a gangréné des pans entiers de la société, n'épargnant ni les secteurs névralgiques comme l'industrie et le commerce, ni ceux dits de souveraineté où le fait du prince a présidé, des décennies durant, aux promotions les plus scandaleuses. Pourtant, s'il existe un champ de consensus capable d'apporter la vision commune de sortie de crise, aussi bien du côté du Hirak que des institutions de l'Etat, c'est bien cette lutte contre la corruption, à condition qu'elle soit réelle, transparente et implacable et qu'elle échappe aux mécanismes habituels des jugements à l'emporte-pièce. A partir de là, les institutions étatiques garderont leur légitimité et pourront accompagner, de façon légitime, le mouvement populaire qui puise sa raison d'être dans cette soif de justice exemplaire.