Dans les rues étroites, la déception à l'égard du Fatah est largement partagée. Les promesses électorales des candidats aux législatives palestiniennes de mercredi ne semblent pas crédibles aux yeux des réfugiés du camp de Balata, en Cisjordanie, qui doutent de la capacité des hommes politiques à mettre fin à la misère et à la violence qui les menacent au quotidien. «Il est difficile de voter avec enthousiasme, entourés de tanks ou de dizaines de jeunes enterrés au cimetière», assure Nasser Abou Aziz, leader des brigades d'Al-Aqsa, groupe armé lié au Fatah, dans ce grand camp du nord de la Cisjordanie. Il y a seulement quelques heures, les étendards verts du mouvement radical Hamas et les portraits de ses dirigeants morts, comme celui de cheikh Ahmed Yassine, ont été témoins de la dernière incursion des tanks israéliens. Les 30.000 habitants du camp, vivant dans la pauvreté et pris dans des feux croisés presque toutes les nuits, estiment que le Parlement palestinien est à des années-lumière de leurs problèmes quotidiens. «Les élections ne changeront rien. Le Hamas essaiera de bénéficier au Hamas, le Fatah au Fatah et personne ne se préoccupera du bien du peuple. Si elles avaient voulu faire quelque chose pour nous, ces personnes n'auraient pas attendu de gagner des élections», affirme Khalel Hanoun, 26 ans. Dans les rues étroites de Balata, la déception à l'égard du Fatah est largement partagée. La corruption, les rivalités internes et le manque de résultats concrets de ce parti, après plus de 10 ans au pouvoir, méritent pour beaucoup des habitants du camp un vote-sanction le 25 janvier. «Je vais voter pour le Hamas parce que jusqu'à présent, le Fatah ne nous a donné ni sécurité, ni paix. Le Hamas dit qu'il peut changer les choses et je veux voir si c'est vrai», affirme pour sa part un commerçant, Jalil Abdallah. Lors des dernières élections municipales de décembre, le Hamas avait obtenu 13 des 15 sièges du conseil municipal de la mairie de Naplouse, ville de laquelle dépend administrativement le camp de Balata. Le résultat pourrait être similaire lors des législatives de la semaine prochaine, les premières depuis 10 ans. «Ces élections ne nous donneront ni un futur digne pour nos enfants ni la liberté de mouvement. Nous, les brigades d'Al-Aqsa, nous avons respecté la trêve avec Israël depuis des mois et nous n'avons rien obtenu en échange», regrette Ala Sanakra, membre des brigades. Armés et cachés dans de petites maisons de Balata, les dirigeants du groupe armé avaient d'abord voulu boycotter les élections, mais sur ordre de Mahmoud Abbas, qui dirige également le Fatah, ils ont décidé de les respecter et de maintenir le calme. «S'il n'y avait pas d'occupation, ces élections seraient positives, mais en ce moment, les gens s'intéressent davantage à la récupération de leurs terres. Comme c'est le cas en Irak», déclare, revolver en main et l'air sceptique, Ahmed Abou Saltah, un autre membre des brigades. Le 25 janvier, aucun d'entre eux n'ira voter, de peur d'être la cible d'une attaque, car la majorité de ces hommes se trouve sur une liste d'activistes recherchés par Israël. Malgré l'ordre lancé par Abbas pour que les Palestiniens se rendent aux urnes, ils assurent qu'ils ne seront pas les seuls à rester chez eux. «La société palestinienne est épuisée par l'occupation. Là est le vrai problème. Les gens sont tellement déprimés qu'ils ne peuvent pas croire que les élections vont améliorer leurs vies», conclut Nasser Youmaa, l'un des candidats du Fatah à Naplouse.