Une semaine après la tournée en Afrique du Sud, au Lesotho, en Angola et au Mozambique, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a repris son bâton de pèlerin pour effectuer une visite en République démocratique du Congo (RDC), avant la prochaine tenue du sommet de l'Union africaine qui verra le président congolais, Felix Tshisekedi, chargé de la présidence tournante de l'organisation panafricaine. En décembre dernier, la RDC avait surpris tout le monde en ouvrant un consulat à Dekhla, au Sahara occidental, sous occupation marocaine illégale, piétinant, par-là même, les statuts de l'UA dont la République arabe sahraouie démocratique est un membre fondateur. Autant dire que le malentendu était profond entre Alger et Kinshasa sur cette question de décolonisation et que le malaise est d'autant plus regrettable que la RDC s'apprête à commémorer, en juillet prochain, l'anniversaire de l'assassinat d'une grande figure de la lutte des peuples africains contre l'oppression coloniale, Patrice Lumumba, auquel la Mecque des Révolutionnaires avait rendu justice en emprisonnant son assassin, Moïse Tshombé, mort d'une crise cardiaque durant sa détention en Algérie, en...juillet 1969. La diplomatie a ses raisons que la raison ne connaît pas. Que des pressions aient été exercées sur certains dirigeants africains pour les pousser à adhérer à la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental est une chose, mais qu'ils bafouent en cela les statuts de l'Union africaine et foulent la solidarité des peuples du continent avec un peuple qui est le dernier en Afrique à souffrir d'une occupation coloniale scélérate est, en même temps, incompréhensible et inadmissible. Avec cette visite en RDC, l'objectif de Boukadoum aura été de souligner la forte attente de l'UA et de la majorité de ses Etats membres d'une solution rapide de la question sahraouie, dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et des décisions afférentes de l'organisation continentale. Nul doute que le futur président en exercice de l'UA aura mesuré les enjeux et cerné les risques d'une démarche en rupture avec la légalité internationale. De ce point de vue, affirmer que Boukadoum a fait volte-face en réhabilitant la troïka, après avoir prôné une prise en charge du dossier sahraoui par le Conseil Paix et Sécurité de l'UA, est une approche plus que fantaisiste. La saisine du CPS est l'affaire de l'UA et de la Commission africaine et elle relève des décisions souveraines du sommet annuel de l'organisation. Pour en revenir au périple africain du MAE Sabri Boukadoum, il intervient dans un contexte particulièrement inquiétant de déstabilisation de la région maghrébine et sahélienne. D'où son importance cruciale et sa dimension opportune, face à des manoeuvres qui consistent à construire tout un axe pour isoler l'Algérie et contraindre ses frontières à une urgence sécuritaire absolue. Le Maroc, faut-il le rappeler, avait sollicité son adhésion à la Cédéao mais les pays d'Afrique de l'Ouest ont décliné cette demande pressante, conscients du risque d'inondation de leur économie par la drogue marocaine, nourricière des autres trafics dans toute la région sahélienne. Non seulement, le Makhzen ne renonce jamais à sa politique expansionniste, mais il ambitionne, avec la normalisation récente entre le Maroc et Israël, d'aggraver les crises qui secouent le Maghreb et le Sahel pour en tirer des dividendes dans sa fuite en avant coloniale. Une politique dangereuse qui sert les intérêts des parrains de la monarchie et dont le peuple marocain frère paie, de plus en plus, le tribut des peuples asservis.