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Une autre gouvernance et une nouvelle politique salariale
Exigence d'une méthode de subventions ciblées en Algérie
Publié dans L'Expression le 15 - 04 - 2021

Les tensions sociales, à court terme tant qu'il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l'Etat et 9,4% du PIB pour l'exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis et par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale. Le ciblage des subventions que je préconise depuis 1992 suppose une large concertation sociale, un système d'information fiable en temps réel et une enquête précise sur la répartition du revenu national et du modèle de consommation, pour déterminer les couches défavorisées, tout en ne pénalisant pas les couches moyennes par un nivellement par le bas. Cette présente contribution est une brève synthèse, d'une brûlante actualité, d'un rapport réactualisé, remis aux autorités du pays le 14 septembre 2012 dont les résolutions n'ont jamais été appliquées.
Sans être exhaustif je recense les différentes formes de subvention les plus connues.
-Les subventions du prix du pain, de la semoule et du lait. Bon nombre d'Algériens vivent dans la pauvreté, se nourrissant essentiellement de pain et de lait, reflet de la fracture sociale.
-Les subventions des carburants et de l'électricité. L'Algérie est classée parmi les pays où le prix du carburant est le moins cher au monde. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du Grand Sud. Il en est de même du prix de l'électricité/gaz, avec une différence entre le prix aux ménages et les clients industriels.
-Les subventions de l'eau. Le problème de la tarification de l'eau se pose à peu près dans les mêmes termes que les carburants. Son prix de cession demeure faible malgré des coûts croissants (investissement additionnel) plus important pour l'eau dessalée qui nécessite de lourds investissements, problème aggravé par les déperditions du réseau de distribution (45 à 50% de pertes, en moyenne nationale), le différentiel étant payé par l'Etat.
-Les subventions de la santé. Pour le système de santé, les subventions supportées par l'Etat sont importantes, se soignant gratuitement dans les hôpitaux publics. En comparaison le coût d'une hospitalisation dans le secteur privé celui d'un accouchement oscille entre 50.000 et 70.000 DA, plus de 100.000 DA pour une césarienne et le montant est largement supérieur pour des interventions pointues fluctuant entre 500.000 et plus de 1.000.000 dinars et plus pour certains cas.
-Les subventions dans le transport. Pour le transport, il n y a pas uniformité devant distinguer le transport par rail subventionné, des autres moyens. Pour Air Algérie, du fait d'une gestion défectueuse, et de sureffectifs qui sont, de loin, plus élevés par rapport aux normes internationales. Ainsi, les compagnies étrangères s'alignant sur ceux d'Air Algérie bénéficient d'une rente de monopole.
-Les subventions pour le soutien au logement social et à l'emploi. Les subventions s'appliquent également au logement social où le prix du mètre carré dans les grandes agglomérations peut aller entre 200.000 et 300.000 DA et plus selon les quartiers, non supportés par les bénéficiaires, ce qui occasionne un transfert de rente. Pour l'aide à l'emploi où l'entreprise qui recrute, bénéficie d'importantes facilités financières et fiscales, d'importants abattements sur la cotisation de sécurité sociale à leur charge, non supportés par l'employeur et pris en charge par le Trésor public.
-Autres subventions. Nous avons la charge financière du transport des étudiants, de la restauration et de l'hébergement des étudiants internes sans distinction ce qui se répercute sur la gestion des oeuvres universitaires comme les frais de la carte d'abonnement annuel du transport universitaire où le prix de la restauration, date des années 1970. Qu'en sera-t-il avec plus de 3 millions d'étudiants sans rappeler également les subventions à travers les oeuvres sociales des CEM et des lycées.
Grâce à l'aisance financière générée par le passé, cours élevé des hydrocarbures, les différents gouvernements de 1970 à ce jour,, au nom de la paix sociale, ont généralisé les subventions. Or, les réserves de change ont clôturé à 42 milliards de dollars fin 2020 contre 194 au 1er janvier 2014, devant terminer à environ 20 milliards de dollars fin 2021 étant impossible de continuer dans cette trajectoire de continuer à dépenser sans compter.
En Algérie de celui qui gagne le Snmg au chef d'entreprise nationale ou étrangère, bénéficient des prix subventionnés, n'existant pas de système ciblé de subventions. Dans plusieurs rapports entre 2010-2019 la Banque mondiale a fait remarquer qu'en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions recommandant que les programmes d'aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face.
Pour l'Algérie, la même institution note que pour 2017, les montants des subventions sous forme de comptes spéciaux du Trésor,, allouées au soutien de services productifs, à l'accès à l'habitat et aux activités économiques représentaient 14% du total des dépenses de l'Etat en dehors des dépenses de fonctionnement. Qu'en est -il pour les bilans de 2020 et 2021 où aucune mesure de fond n'a été prise depuis cette date? Les assainissements répétés aux entreprises publiques qui sont des subventions ont coûté au Trésor public des dizaines de milliards de dollars, dont plus de 70% sont revenus à la case départ, le ministre délégué chargé de la Prospective auprès du PM, ayant révélé courant janvier 2021, que l'Etat a alloué près de 250 milliards de dollars au secteur public marchand au cours des 25 dernières années. Nous avons les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d'investissement (ANDI ANSEJ) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages (exportation et création de valeur ajoutée interne). Pour le pouvoir algérien ne voulant pas de remous sociaux les subventions seront encore un tampon pour juguler la hausse des prix internationaux, avec ce retour à l'inflation car en dehors des subventions le taux d'inflation réel dépasserait largement 10%.
Ainsi, toutes les lois de finances y compris celle de 2021 proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l'Etat en matière de subvention des prix des produits de large consommation. Or, comme je l'ai analysé dans plusieurs contributions nationales et internationales, le montant des subventions très important par rapport au PIB est injuste où que toutes les catégories sociales puissent bénéficier des subventions, quelle que soit sa situation financière. Ainsi, se pose le problème de l'efficacité de toutes ces subventions sur le producteur local et sur le consommateur final. La mise en place de subventions ciblées suppose à la fois une large concertation sociale et un système d'information fiable en temps réel mettant en relief la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales posant la difficulté de l'intégration de la sphère informelle (revenus informels).
Il ne faut pas se tromper de cible pour paraphraser les stratèges militaires. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur les subventions, mais revoir la gouvernance actuelle pour plus de cohérence et de visibilité de la politique économique et sociale, une lutte contre la corruption et les surcoûts. Ces montants sont de loin supérieurs au montant des subventions, sans compter le facteur essentiel du développement, le retour de la confiance de la population en ses institution Aussi, se pose cette question stratégique pour l'Algérie avec la chute du cours des hydrocarbures, l'Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires, comme se pose actuellement l'alimentation des caisses de retraite pour 3,2 millions de retraités, plus de 700 milliards de dinars de déficits fin 2020 qui risque l'implosion rendant urgente son unification pour des raisons d'efficacité et de justice sociale. Or, les hydrocarbures traditionnels pourraient s'épuiser horizon 2030 au moment où la population algérienne sera d'environ 50 millions d'habitants. Un rapport du ministère de l'Energie montre clairement qu'à cette allure, la consommation intérieure en énergie classique risque de dépasser les exportations actuelles horizon 2030. Alors que parallèlement nous assistons à une baisse drastique en volume physique où selon le rapport d'avril 2021 de l'Opep la production algérienne en mars 2021 s'élevait à 870 000 barils par jour, soit une baisse de 8.000 barils par rapport à la production moyenne de février, estimée à 878.000 barils par jour contre 1,2 million de barils/j entre 2010/2014 en n'oubliant pas que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz dont le cours sur le marché libre entre 2019/avril 2021 fluctue entre 2,5 et 2,7 dollars le Mbtu contre 10/12 dollars entre 2008-2014, devant tenir compte des coûts de production. Car on peut découvrir des milliers de gisements non rentables fonction du coût y compris le transport, du vecteur prix international et du nouveau modèle de consommation énergétique mondial axé sur l'efficacité et la transition énergétique. L'instauration d'une chambre nationale de compensation indépendante, devrait permettre des subventions ciblées, par un système de péréquation intra socioprofessionnelle et interrégionale. Mais cela dépasse l'aspect technique et implique forcément un réaménagement profond de la logique du pouvoir algérien reposant sur les forces sociales réformistes, animées par le secteur productif et son soubassement l'économie de la connaissance, loin du pouvoir les couches rentières tissant des relations dialectiques avec la sphère informelle spéculative. L'Algérie n'a pas besoin d'une multitude de séminaires, qui s'assimilent à de l'activisme, mais des actions sur le terrain car les études existent; il suffit de les réactualiser. Comme démontré dans plusieurs rapports disponibles, cette opération de ciblage des subventions, est techniquement impossible sans un système d'information fiable en temps réel, mettant en relief la répartition du revenu national par couches sociales et par répartition régionale: combien sont-ils à percevoir moins de 20.000 DA par mois net? Combien sont-ils à toucher entre 20 000 et 50.000 DA? Combien sont-ils à être payés entre 50 000 et 100.000 DA, combien perçoivent entre 100.000 et 200.000 DA et combien perçoivent plus de 200 000 DA net par mois? L'on devra distinguer les salariés des indépendants et ce en liaison avec l' évolution de l'indice de l'inflation réel l'actuel n'ayant pas été actualisé depuis 2011 afin de déterminer le pouvoir d'achat de chaque catégorie sociale où si on prend les données officielles, le taux d'inflation entre 2000/ fin 2020 approche les 100%.Il faut avoir des réponses précises à ce genre de questions.


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