«L'une se donne à lire comme un poème, l'autre est un art narratif», nous explique-t-on. En prévision de l'exposition Fraîcheur de vivre dont le vernissage se déroulera jeudi prochain à 18h au Centre culturel français d'Alger, une conférence intitulée La vidéo, c'est pas du cinéma a été présentée lundi dernier au CCF par Michel Nuridsany, critique d'art et commissaire de l'exposition. Il est aussi écrivain. Critique au Figaro pendant plus de vingt ans, il a écrit de nombreux textes sur l'art. Il est également l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment une biographie d'Andy Warhol et une présentation de l'art contemporain chinois et tout récemment une biographie de Dali aux éditions Flammarion. Passionné par les dynamiques qui agitent la création contemporaine en Asie, il est en outre commissaire des expositions Fraîcheur de vivre à Macao et Première vue à Paris. Pour Michel Nuridsany, la vidéo française existe depuis l'invention de cette forme d'art par Nam June Paik en 1963. Il était alors souvent à Nice et fréquentait le groupe Fluxus. «La vidéo a été d'abord, dit-il, utilisée comme un souvenir des performances, éphémères par nature». Depuis, cet «art du déchet électronique a évolué et s'est libéré de son statut de documentation pour prendre son autonomie, s'affirmer en tant qu'art à part entière, séduire les artistes du monde entier, et de la France en particulier. Comme le fit la photo dans les années 70. Même si de grands artistes, comme Ange Leccia, soutient M.Nuridsany, se sont exprimés à travers ce médium, il y a un certain temps déjà, c'est essentiellement au cours de ces dernières années que l'embellie a eu lieu avec des oeuvres d'une fraîcheur, d'une jeunesse, d'une légèreté merveilleuse où l'on a pu constater des caractéristiques permettant de dire que la vidéo française est à la fois pleine d'humour et poétique». En effet, pour le conférencier, qui dira avoir choisi un titre «provocant et militant», la vidéo se donne à lire comme un poème, alors que le cinéma est guidé par un fil narratif. «La vidéo est d'abord un espace, un terrain, un outil qu'il faut analyser avec méfiance», soulignera-t-il d'emblée. L'inventeur de l'art vidéo, c'est Name June Paik. Celui-ci est considéré comme le Picasso de la vidéo, utilisant un flux d'images marquées de distorsion, de fraîcheur et de mouvements. La vidéo est ainsi plus proche des arts plastiques que le cinéma dont la notion de temps est primordiale. «L'art peut s'accommoder de l'éphémère, du vivant. On peut effacer puis refaire une image, c'est cela la vidéo. L'image vidéo nous parle du virtuel. La notion de réalité est remise en question», explique l'orateur. Dans la vidéo, il n'existe pas de cérémonial, contrairement au cinéma où nous sommes presque devant une mise en scène théâtralisée. On peut regarder de près, puis contourner la vidéo et partir pour revenir. Le regard qu'on pose sert à explorer un univers intime, parfois familial, or au cinéma, on est dominé par l'écran. «La vidéo c'est le contraire. On peut la mettre n'importe où même au soleil comme je l'ai fait à Shanghaï et je milite vraiment pour ça», fait-il remarquer. Pour Michel Nuridsany, la vidéo, c'est vraiment l'art d'aujourd'hui qui est amené encore à se développer grâce à l'Internet. Qu'en est-il alors pour le cinéma expérimental qui utilise justement la vidéo comme support? La réponse est claire: «Le circuit de la vidéo c'est les galeries, le cinéma expérimental détermine un certain nombre de circuits». Enfin, ce qui différencie la vidéo du cinéma, c'est «le langage utilisé», nous affirme-t-on, nonobstant les paramètres techniques et économiques (moins coûteux) et la notion de temps. Alors, convaincus ou pas, une occasion d'aller se faire une idée par soi-même du «génie» de la vidéo, en visitant cette exposition qui sera installée dès ce jeudi au CCF.