Joe Biden a assuré, mardi soir, devant l'ONU qu'il ne voulait pas d'une «nouvelle Guerre froide» avec la Chine, et défendu son attachement au multilatéralisme face à des alliés européens qui l'accusent de faire trop souvent cavalier seul. «Nous ne voulons pas d'une nouvelle Guerre froide, ou d'un monde divisé en blocs rigides», a lancé le président des Etats-Unis pour le premier discours de son mandat à l'Assemblée générale des Nations unies. Pour autant, les Etats-Unis vont «participer avec vigueur» à la «compétition», a-t-il prévenu sans nommer directement la puissance rivale. Le président Biden a aussi promis de «défendre la démocratie» ainsi que ses «alliés», et de s'«opposer aux tentatives des pays plus forts de dominer les plus faibles». Son discours à la prestigieuse tribune new-yorkaise de l'ONU a été suivi par celui du président chinois Xi Jinping, par vidéo pré-enregistrée. Ce duel à distance est resté feutré, une fois n'est pas coutume. Le Chinois n'a pas non plus nommé les Etats-Unis, mais a multiplié les allusions. «La démocratie n'est pas un droit spécial réservé à un seul pays», a-t-il estimé, appelant à la «coopération» et au «dialogue».Il a aussi pris un nouvel engagement climatique, en promettant que la Chine ne construirait plus de centrales à charbon à l'étranger. En prélude à cet échange, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait appelé Washington et Pékin au «dialogue», mettant en garde contre une dégradation des crises mondiales qui serait «beaucoup moins prévisible que la Guerre froide». Pour Richard Gowan, de l'organisation de prévention des conflits International Crisis Group, «Biden a géré la question de la Chine intelligemment, sans jamais la nommer» mais en «multipliant les allusions aux méfaits chinois». La républicaine Nikki Haley, ex-ministre de Donald Trump et candidate potentielle à la Maison- Blanche, a au contraire estimé que le démocrate avait ainsi «ignoré la réalité et la gravité des menaces et des ennemis de l'Amérique». Le rendez-vous diplomatique mondial, qui s'est ouvert mardi et durera une semaine, était particulièrement attendu cette année, après la version principalement virtuelle de l'an dernier pour cause de pandémie. Joe Biden a profité de son discours dans le temple du multilatéralisme pour mettre en avant le «retour» de l'Amérique comme partenaire fiable auprès de ses alliés malmenés pendant l'ère Trump. «Au cours des huit derniers mois, j'ai accordé la priorité à la reconstruction de nos alliances», a-t-il plaidé. Pour preuve de sa contribution au bien commun, il a promis de «doubler» l'effort financier international de Washington contre le changement climatique et annoncé de futurs «nouveaux engagements» contre la pandémie de Covid-19. Il s'est surtout engagé à ouvrir une «ère de diplomatie» après la fin de la guerre en Afghanistan. Mais le retrait d'Afghanistan dans une grande pagaille qui a heurté les pays européens, puis la crise ouverte avec la France dans l'affaire des sous-marins, qui a éclaté la semaine dernière, ont totalement brouillé son message. Paris ne décolère pas contre l'annonce par les Etats-Unis, le 15 septembre, d'un pacte de sécurité conclu avec l'Australie et le Royaume-Uni pour contrer Pékin, surnommé AUKUS. Ce nouveau partenariat a mis le feu aux poudres transatlantiques, car il s'est fait dans le dos des Français, qui ont perdu un énorme contrat de sous-marins commandés par Canberra. Lors d'une rencontre à New York, le président Biden et le Premier ministre australien Scott Morrison ont tenté de rassurer en affirmant que leur pacte allait «s'étendre» à d'autres alliés. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a encore dénoncé une «rupture de confiance». Signe des tensions persistantes, la France a été représentée a minima dans l'hémicycle new-yorkais, pendant le discours de Joe Biden, et a fait savoir que l'entretien téléphonique entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain attendu d'ici la fin de la semaine viserait une «clarification» plutôt qu'une «réconciliation». Parmi les autres intervenants de mardi, le nouveau président iranien Ebrahim Raïssi n'a pas donné d'indication claire sur ses intentions lors de ses débuts internationaux. Il s'est dit favorable à la reprise des négociations pour sauver l'accord sur le nucléaire iranien, interrompues depuis son élection en juin, mais a insisté pour que leur «objectif final» soit «la levée de toutes les sanctions oppressives». Joe Biden a lui redit être prêt à revenir dans cet accord que Donald Trump avait quitté en 2018 si Téhéran renoue aussi avec les restrictions nucléaires dont l'Iran s'est affranchi.