Annoncé avec fanfares et tambours, le voyage du président français Emmanuel Macron au Mali où il devait rencontrer le président de la transition Assimi Goïta avant de partir célébrer Noël avec les militaires français de la force Barkhane est finalement tombé à l'eau. Le climat de vive tension entre Paris et certains pays de la région sahélienne n'est pas étranger à cette annulation, justifiée officiellement par un «souci de cohérence entre les mesures annoncées au niveau national et l'agenda international du président». Pour l'Elysée, le souci est de «ne pas exposer (le) dispositif militaire dans un moment de dégradation de la situation sanitaire en métropole». Mercredi dernier, un communiqué avait annoncé une rencontre de Macron avec son homologue malien sur fond d'accusations réciproques, Paris appuyant avec insistance les sanctions de la Cédéao pour une restitution du pouvoir aux civils selon un agenda contesté par les dirigeants maliens. En outre, la France tient pour avéré le soupçon d'une velléité de Bamako de conclure un accord avec la société russe Wagner pour le déploiement de mercenaires dans la lutte antiterroriste, à l'heure d'un retrait programmé de la force Barkhane. Il semble que la raison véritable de cette annulation de la visite de Macron à Bamako ne soit pas liée à la crainte d'une cinquième vague de la pandémie de Covid-19, dans sa nouvelle variante Omicron. En effet, le président français a décidé d'une participation collégiale regroupant le président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), à savoir le président ghanéen Nana Akufo-Addo, et celui du G5 Sahel, le Tchadien Mahamat Idriss Déby Itno. Ce programme a été rejeté par les dirigeants maliens qui n'ont pas apprécié les récentes sanctions supplémentaires de la Cédéao à leur encontre. En outre, tout porte à croire qu'ils n'ont pas été associés à la préparation du programme de cette visite, voire qu'ils n'en ont eu connaissance qu'au tout dernier moment. Faute d'une réelle coordination, la visite ne pouvait aboutir à une quelconque avancée, au moment où les défis sécuritaires, politiques et économiques se sont aggravés dans l'ensemble de la région. Des critiques sévères contre la politique de la France ont jalonné les post sur les réseaux sociaux et des informations ont circulé à Bamako, faisant état d'une probable manifestation contre la venue du président Macron. Contestant le «dirigisme» de Paris, de nombreux Maliens, ainsi que des institutions du pays, ont multiplié les appels à protéger la souveraineté du pays, malgré les signes d'une coopération continue telle la rétrocession des bases militaires au nord du Mali, à Kidal, Tombouctou et Tessalit. La France maintient la pression aussi bien en ce qui concerne le supposé contrat avec Wagner, nié par Bamako, que l'exigence d'une durée de la transition conforme aux engagements initiaux, c'est-à-dire des élections en février 2022. Le ministre malien des AE, Abdoulaye Diop, a ainsi affirmé, voici quelques jours, que «le gouvernement du Mali n'a signé aucun contrat avec cette société de sécurité privée», non sans ajouter qu'il y a, avec la France «des relations difficiles, des moments d'incompréhension (...). Nous souhaitons seulement que le dialogue puisse se poursuivre, dans le même esprit constructif et un esprit de sincérité». Apparemment, il n'a pas été entendu et la Cédéao a clairement indiqué que, faute d'élections le 27 février prochain, des sanctions supplémentaires, «économiques et financières», vont tomber, en plus du gel des avoirs et de l'interdiction de voyage de près de 150 personnalités maliennes. Une épée de Damoclès contre un pays qui peine à se relever.