Le président français Emmanuel Macron, devrait rencontrer lundi, pour la première fois à Bamako le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, dans un climat de haute tension entre Paris et la junte militaire, dont la lenteur à rendre le pouvoir aux civils et les velléités de recourir à des mercenaires russes exaspèrent Paris. Au terme de cette entrevue, le président français partira célébrer Noël sur la base de Gao (nord-est) avec des soldats français déployés au sein de la force anti terroriste française Barkhane, en pleine restructuration. Au terme de près de neuf ans de présence au Sahel, Paris a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire en quittant ses trois bases les plus au nord du Mali (Tessalit, Kidal et Tombouctou) pour se recentrer autour de Gao et Ménaka, aux confins du Niger et du Burkina Faso. Ce plan prévoit une réduction des effectifs, de 5.000 actuellement, à 2.500/3.000 d'ici 2023. Accueillis en libérateurs en janvier 2013 à Tombouctou, les soldats français ont remis mardi les clés de leur base aux forces maliennes, étape symbolique dans la réarticulation en cours. Paris veut désormais concentrer sa mission sur la formation des armées locales, dans l'espoir qu'elles prennent un jour en main la sécurité de leur territoire. «On passe d'une logique d'opération extérieure à une logique de coopération», résume l'état-major français. Mais si la coopération militaire entre forces françaises et maliennes se poursuit semble-t-il sans accroc, les relations politiques entre la France et le Mali, gouverné par des putchistes depuis 2020, n'ont cessé de se dégrader, au risque de remettre en cause la légitimité déjà fragile de la présence française. «Il existe deux sujets de friction avec Bamako: les contacts avec (la société paramilitaire russe) Wagner et le calendrier politique de la transition», souligne le commandant de Barkhane, le général Laurent Michon. Un malaise accompagné de déclarations rudes du gouvernement malien et de campagnes anti-françaises sur les réseaux sociaux. Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga lui-même n'hésitait pas récemment à accuser la France de former des terroristes. Emmanuel Macron va donc s'employer, selon Paris, à «dissuader le colonel Goïta de recourir aux paramilitaires russes» de Wagner, réputés proches du Kremlin et accusés de prédation et d'exactions dans les pays où ils sévissent, comme en République centrafricaine. Paris a averti que leur déploiement serait «inacceptable». Une inquiétude «partagée par les partenaires européens» de la France au Sahel, réunis au sein de la force Takuba, nouveau fer de lance de l'action militaire étrangère dans la bande sahélo-saharienne. L'Union européenne a sanctionné lundi le groupe Wagner ainsi que huit personnes et trois sociétés qui lui sont liées pour les «actions de déstabilisation» menées dans plusieurs pays d'Afrique, dont le Mali, et en Ukraine. Moscou a condamné en retour «l'hystérie» occidentale.»Il y a des choses qui ne pourraient plus être faites si Wagner venait à se déployer», a reconnu le commandant de Barkhane. Second sujet problématique: la junte, après avoir promis d'organiser des élections en février au Mali, juge nécessaire une refondation pour présenter un calendrier de transition, au grand dam des membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui la menacent de sanctions supplémentaires dès janvier si le dossier n'avance pas. Pour justifier le report électoral, le gouvernement malien invoque l'insécurité persistante. Mais pour Paris, comment justifier encore le maintien d'une aide militaire à un pouvoir qu'elle qualifie d' «illégitime»? D'autant que, malgré les «efforts militaires» de Barkhane et d'autres forces internationales, le Mali est toujours livré aux attaques de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique. A ce jour, l'entretien devrait se limiter à un tête-à-tête entre MM. Macron et Goïta. «Nous travaillons pour que les objectifs de la lutte contre le terrorisme soient atteints et pour promouvoir une transition politique, résume-t-on du côté de l'Elysée. «Nous sommes dans un entre-deux que nous essayons de clarifier».