Le Conseil de sécurité de l'ONU va engager prochainement des discussions sur le futur rôle de l'Organisation dans l'Afghanistan des talibans, sur la base d'un récent rapport du chef des Nations Unies qui préconise le dialogue et d'éviter de les isoler. Menées par la Norvège, organisatrice récemment d'une première rencontre internationale avec les talibans, les négociations sur le mandat de la mission politique de l'ONU dans le pays, la Manua, «vont être très délicates et très difficiles», indique sous couvert d'anonymat un ambassadeur d'un pays membre du Conseil. D'un côté, l'Occident va vouloir s'assurer «que les femmes et les filles, en particulier, ne sont pas mises de côté dans cette discussion». De l'autre, Chine et Russie pourraient vouloir minimiser la dimension des droits humains pour la future mission Manua, laisse entendre cette source. Selon un autre diplomate, des «consensus» peuvent être trouvés dans le domaine humanitaire ou du terrorisme. Les «divergences» seront davantage entre ceux qui seront tentés par une «coopération» (Chinois et Russes), et ceux qui auront une «approche dure» pour obtenir des concessions des talibans, à savoir les Occidentaux. Le mandat de la Manua, présente en Afghanistan depuis 2002, expire le 17 mars. Outre les négociations au Conseil de sécurité, la définition du rôle de l'ONU dépendra du bon vouloir des talibans qui ont repris le pouvoir à la mi-août et cherchent une reconnaissance internationale. Les nouvelles autorités n'ont pas réussi jusqu'à présent à faire légitimer par l'ONU la nomination à New York d'un nouvel ambassadeur, Suhail Shaheen, qui occupait récemment les fonctions de porte-parole des talibans. Le processus de reconnaissance est gelé à l'ONU à la suite d'un accord entre Etats-Unis, Russie et Chine. Dans un rapport publié cette semaine, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, détaille ses contours en relevant que les talibans n'ont «pas établi la confiance avec une grande partie du peuple afghan ni convaincu celui-ci de leur capacité à gouverner», conduisant de nombreux Afghans «à continuer à chercher à quitter le pays». Pour autant, «la meilleure façon de promouvoir la stabilité et le soutien international à l'avenir est que les talibans évitent l'isolement qui a marqué leur passage précédent au pouvoir» (1996-2001), fait-il valoir. «Il est donc essentiel d'instaurer un dialogue constructif, axé sur le bien-être et les droits du peuple afghan, entre les autorités de facto, les autres parties prenantes afghanes, les pays de la région et la communauté internationale», insiste-t-il. Le chef de l'ONU plaide depuis des mois pour un allègement des sanctions infligées à Kaboul pour éviter l'effondrement du pays. Près de 9,5 milliards de dollars de la banque centrale afghane sont gelés depuis août par Washington. «Il est essentiel que ce dialogue porte sur l'ensemble des questions liées à la gouvernance - y compris la question des droits humains et des libertés fondamentales - qui auront une forte incidence sur la prospérité et la sécurité des citoyennes et citoyens et sur l'avenir de l'Afghanistan, notamment ses relations avec la communauté internationale», souligne Antonio Guterres. Son rapport comporte plusieurs recommandations, notamment «de travailler avec tous les acteurs pour promouvoir une gouvernance et une société afghanes efficaces, responsables et inclusives, tout en faisant progresser la réconciliation». Pour la Manua, le chef de l'ONU recommande en priorité de «coordonner et permettre la fourniture de l'aide humanitaire essentielle», de «fournir des conseils» en matière de respect des droits humains et de participer à «la surveillance et au signalement des violations et des atteintes à ces droits».