La nouvelle Première ministre française, Elisabeth Borne, deuxième femme de l'histoire à ce poste, prend ses fonctions face à une double urgence: constituer le gouvernement et mener la bataille des législatives, tout en répondant aux attentes sur le pouvoir d'achat et le climat. En nommant cette technocrate issue des rangs de la gauche, plusieurs fois ministre, le président Emmanuel Macron a joué la continuité, tout en envoyant un message à la gauche réformiste sans pour autant effrayer l'opposition de droite. La presse française parlait, hier, d'un «choix de la raison», de l'efficacité et de la continuité alors que Mme Borne, 61 ans, a été successivement ministre des Transports, de l'Ecologie et du Travail pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, une des rares à y être depuis les débuts de sa Présidence en 2017. «La femme des défis» titre en Une le quotidien économique Les Echos, tandis que le quotidien Le Figaro énumère les «chantiers» attendant Mme Borne, qui «devra mener des réformes difficiles, dont celle des retraites, sans provoquer la colère du corps social». Confortablement réélu le 24 avril pour un second mandat, Emmanuel Macron a promis de tenir compte de la colère exprimée par de nombreux Français pendant la crise des «gilets jaunes», révoltés contre sa politique fiscale et sociale, et de changer de méthode. D'autant que le contexte reste tendu: selon un récent sondage de l'institut Ifop, une large majorité de Français (77%) dit craindre une explosion sociale dans les prochains mois. Pour l'heure, Mme Borne doit d'abord choisir dans «les prochains jours» une nouvelle équipe gouvernementale «resserrée» selon son entourage. Elle devra ensuite mener la bataille des législatives des 12 et 19 juin qui s'annoncent, selon les sondages, favorables à la majorité présidentielle mais néanmoins indécises face à l'opposition de gauche nouvellement rassemblée sous la bannière du tribun Jean-Luc Mélenchon. «Le plus important pour elle, c'est que dans moins d'un mois, il y a une bataille législative qui est une vraie bataille et qui va être beaucoup moins automatique» que par le passé, quand traditionnellement le scrutin confirme globalement les choix de la présidentielle, soulignait, hier, sur la chaîne LCI l'expert Frédéric Dabi, de l'Ifop. D'autant que Mme Borne, qui n'a jamais affronté le suffrage universel, doit elle-même se présenter à ces législatives dans une circonscription qui a voté Emmanuel Macron à la dernière présidentielle. Un échec signerait le glas de ses ambitions. Mais c'est surtout une pile de dossiers sensibles qui attendent la nouvelle cheffe de gouvernement dans un pays notoirement réfractaire aux réformes. Elisabeth Borne devra notamment mettre en oeuvre la «planification écologique» promise par le président Macron, autrement dit l'orchestration de la transition vers une économie bas-carbone. «Il faut agir plus vite et plus fort» face au «défi climatique et écologique», et, sur la forme, être «au plus près des Français», a lancé Mme Borne dès sa prise de fonctions, lundi soir. La nomination d'Elisabeth Borne, qui n'a «pas brillé par des positions fortes et ambitieuses sur l'écologie», «n'augure guère d'espoir de voir la France opérer sa transition écologique comme l'urgence climatique l'y oblige», a commenté l'ONG Greenpeace. L'autre dossier brûlant, c'est celui d'une réforme majeure des retraites repoussant l'âge de départ (à 65 ans d'ici 2031) afin de pérenniser le financement du système et qui est très contestée dans le pays. Le président français a aussi dit vouloir adopter une série de mesures dès cet été pour faire face à la hausse sans précédent depuis des décennies de l'inflation qui affecte le portefeuille des Français sur fond d'une croissance économique en berne. Réagissant, hier, à sa nomination, le dirigeant du deuxième syndicat de France (CGT), Philippe Martinez, tout en saluant la désignation d'une femme, a dénoncé «le bilan très négatif» de Mme Borne, rappelant ses réformes des chemins de fer français SNCF et de l'assurance chômage. «On peut venir de la gauche et avoir des réactions et des positions libérales», a-t-il relevé ajoutant que, sur la méthode, «elle écoute mais elle n'entend pas, elle est comme M. Macron».