Bayrou (au centre) portera la loi de moralisation de la vie publique Le gouvernement conduit par Edouard Philippe est légèrement plus large que ce qu'avait promis le président Macron (15 ministres). Mais il fait partie des gouvernements les plus resserrés de toute la Ve République. Renvoyé au lendemain, le temps de vérifier qu'aucun candidat ne présente un quelconque conflit d'intérêt, le gouvernement Philippe I est tombé hier, sans réelle surprise. Après les supputations diverses, la liste édicte une équipe composée de poids lourds de la politique (Bayrou, Collomb, Le Drian), de figures de la droite (Le Maire, Darmanin) et de membres de la société civile (Laura Flessel, Elisabeth Borne...). Ainsi, Gérard Collomb atterrit à l'Intérieur tandis que François Bayrou hérite de la Justice. Principaux soutiens d'Emmanuel Macron, ils sont donc ministres d'Etat, ce qui leur confère un rôle prépondérant, alors que Nicolas Hulot, qui avait refusé d'accéder aux sollicitations de Hollande, devient ministre de la Transition écologique et solidaire, avec rang de ministre d'Etat, également. Plus surprenante est la nomination de Sylvie Goulard devenue ministre des Armées. Cette centriste a fait l'essentiel de sa carrière à Bruxelles tandis que Jean-Yves Le Drian, donné un temps comme son propre successeur, file aux Affaires étrangères. Le remplaçant de Nadjet Vallaud-Belkacem à l'Education nationale est Jean-Michel Blanquer. Quant à l'ancien secrétaire d'Etat aux Affaires européennes (2009) puis ministre de l'Agriculture de Sarkozy, Bruno Lemaire, il fut parmi les premiers à droite à proposer de travailler avec Macron, d'où son poste de ministre de l'Economie. En résumé, le premier gouvernement du quinquennat Macron comporte deux poids lourds socialistes, des centristes, d'ex-ministres de droite, un militant écologiste très populaire et une championne d'escrime antillaise. Les grandes prises de cette formation sont, bien sûr, Jean-Yves Le Drian et François Bayrou. Ministre de la Défense durant tout le quinquennat Hollande, le Breton est apprécié pour son pragmatisme, sa discrétion et son efficacité. Il s'est imposé comme un chef de guerre et un artiste des exportations d'armes. Au côté du président Hollande, il a mené l'armée française sur quatre fronts: au Sahel, en Centrafrique, en Irak/Syrie contre le groupe Etat islamique (EI) et en France, avec l'opération antiterroriste Sentinelle. Modérément socialiste, il s'est rallié fin mars à Emmanuel Macron, à qui il a assuré une caution régalienne dans la lutte antiterroriste et sur les grands enjeux stratégiques internationaux. Bayrou, lui, est un vétéran de la politique française, ancien ministre de l'Education (1993-1997) et député. Ce chef du MoDem, âgé de 65 ans, a été trois fois candidat à la présidentielle, sans jamais accéder au second tour (2002, 2007 et 2012). Pourfendeur de la bipolarisation, fervent avocat de l'émergence d'un centre catalyseur de la politique française, il a porté l'étendard de la moralisation de la vie publique et sa mission sera de concrétiser la loi afférente. Enfin, Nicolas Hulot, baroudeur de l'aventure et de l'écologie, très apprécié par le public qui suivait ses émissions télé avec intérêt, n'a aucune étiquette politique avérée, même si en 2012, battu dans la primaire écologiste, il avait voté pour la gauche radicale. Cette fois, il opte pour «un vote de raison» qui le fait entrer dans la maison Macron pour un défi majeur de l'Environnement.Le nouveau président a choisi une équipe de «rupture» marquée par une stricte parité hommes-femmes et un «panachage» politique, incluant des personnalités de gauche, de droite, du centre et de la société civile. C'est une illustration de sa campagne pour le renouvellement et un plan de bataille pour les législatives des 11 et 18 juin prochain.Avec 22 membres, dont 18 ministres, le gouvernement conduit par Edouard Philippe est légèrement plus large que ce qu'avait promis le président Macron (15 ministres). Mais il fait partie des gouvernements les plus resserrés de toute la Ve République. Cependant, comme pour le gouvernement Fillon 2, passé de 15 à 30 membres au lendemain des législatives, il n'est pas dit que la courbe ne sera pas encore infléchie. Au «risque» de justifier la création d'un ministère chargé de l'égalité hommes-femmes dans un gouvernement composé strictement à parts égales (11 hommes et 11 femmes!)...