132 civils ont été tués dans le centre du Mali lors d'attaques attribuées à des terroristes affiliés à Al-Qaïda, un des pires massacres connus par le pays et le dernier en date d'une série de tueries en cours à travers le Sahel. Des élus locaux ont rapporté des scènes de massacres systématiques perpétrés, il y a quelques jours, par des hommes en armes à Diallassagou et dans deux localités environnantes du cercle de Bankass dans le centre du pays, l'un des principaux foyers de la violence qui ensanglante le Sahel depuis des années. Un deuil national de trois jours a été décrété par le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, en hommage aux victimes de l'attaque terroriste perpétrée contre des civils dans la région de Bandiagara au centre du pays, dans la nuit du 18 au 19 juin courant, ont rapporté mardi des médias. «Les drapeaux seront mis en berne sur tous les bâtiments et édifices publics pendant toute la durée du deuil national à compter du mardi 21 juin courant», a indiqué le président de la transition. Le gouvernement a fait état de 132 morts qu'il a imputés à la Katiba Macina du prédicateur peul Amadou Kouffa, affiliée à Al-Qaïda. Sorti lundi après-midi du silence alors que les informations alarmantes proliféraient depuis le week-end sur les réseaux sociaux, le gouvernement date les événements de la nuit de samedi à dimanche. D'autres les font remonter à vendredi. Le chef de l'autorité de transition depuis août 2020, le colonel Assimi Goïta, a décrété trois jours de deuil national. Dans une déclaration adoptée lundi à New York à l'unanimité de ses 15 membres, le Conseil de sécurité de l'ONU «a condamné dans les termes les plus forts» les tueries près de Gao et Bankass. Nouhoum Togo, président d'un parti ayant son assise à Bankass, principale localité du secteur, parle d'un nombre de victimes encore plus élevé. Il a indiqué que la zone avait été le théâtre, il y a deux semaines, d'opérations de l'armée qui avaient donné lieu à des accrochages avec les terroristes. Ces derniers seraient revenus à plusieurs dizaines à moto, vendredi selon lui, pour se venger contre les populations, a-t-il dit. «Ils sont arrivés et ont dit aux gens: ''vous n'êtes pas des musulmans'' en langue peul. Alors, ils ont emmené les hommes, une centaine de personnes sont parties avec eux. À deux kilomètres de là, ils ont abattu les gens systématiquement», a-t-il affirmé. Depuis l'apparition en 2015 de la Katiba Macina dans le centre du Mali, la région est livrée aux exactions terroristes, aux agissements des milices proclamées d'autodéfense et aux représailles intercommunautaires. Une grande partie de la zone échappe au contrôle de l'Etat central. Le 23 mars 2019, plus de 160 civils peuls avaient été massacrés dans le village d'Ogossagou. Mais c'est tout le Mali qui est plongé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et terroriste en 2012 dans le nord. La propagation terroriste a gagné le centre et les pays voisins, Burkina Faso et Niger. Bamako a fait de la restauration de la sécurité une priorité. Les autorités de transition se sont détournés des anciens alliés militaires du Mali, à commencer par les Français, et tournés vers les Russes. Ils ont lancé en décembre une grande opération dans le centre. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres écrivait dans un récent rapport remis au Conseil de sécurité qu'avec l'intensification des opérations des soldats maliens soutenus par des éléments étrangers, «les civils ont été exposés à de violentes attaques et à des violations croissantes des droits de l'homme, qui ont fait le plus grand nombre de victimes civiles enregistré à ce jour au Mali».Les civils sont soumis aux représailles de terroristes qui les accusent de pactiser avec l'ennemi. Dans certaines zones, de plus en plus étendues dans le centre, passées sous l'emprise des terroristes, ces derniers appliquent avec vigueur leur vision sociale. Les civils se retrouvent aussi souvent pris entre deux feux dans les affrontements entre groupes armés rivaux, y compris entre ceux affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique, qui sévit également au Mali et au Sahel. Le nombre de civils tués dans des attaques attribuées à des groupes extrémistes a quasiment doublé depuis 2020 au Sahel central, affirme une coalition d'ONG ouest-africaines dans un rapport publié jeudi. Le Conseil de sécurité de l'ONU a fermement condamné l'attaque survenue dimanche contre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), au cours de laquelle un Casque bleu guinéen a été tué. Dans un communiqué, les membres du Conseil ont réaffirmé que «le terrorisme sous toutes ses formes constituait une des plus sévères menaces contre la paix et la sécurité internationales».