Au moment où le pays engage, sous l'impulsion des hautes autorités nationales, des chantiers importants pour entamer la réforme des collectivités locales, simultanément avec le débat national au sujet de la réforme des Codes de wilaya et des communes, le rapport de la Cour des comptes vient rappeler quelques évidences et remettre au goût du jour l'urgence d'une refonte globale et urgente de ce dossier. L'audit mené par la Cour des comptes au sein d'un échantillon des instruments institutionnels aux mains des collectivités locales, révèle l'étendue du travail qui reste à accomplir afin de remettre le développement local dans la bonne trajectoire. Le rapport annuel de la Cour des comptes au sujet de la gestion et du fonctionnement de la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales Csgcl, fait ressortir un certain nombre de lacunes, carences et imperfections, visiblement, récurrentes et chroniques. Deux tiers des communes sont pauvres A priori, ce qui attire l'attention dans ce rapport d'audit, c'est cette constatation effarante, faisant état de 958 communes sur 1 541 existantes qui sont classées dans la catégorie des communes pauvres. Il s'agit, en fait, des deux tiers des communes du pays, alors que 7% seulement d'entre elles sont classés dans la catégorie des communes riches. La Cour des comptes recommande une «intervention de l'Etat afin d'assurer la pérennité de leur fonctionnement et la contribution à leur développement socio-économique». Chargée de venir en appui aux collectivités locales dans un esprit de solidarité, à travers l'attribution de dotations globales de fonctionnement et d'équipement aux communes les plus défavorisées, cette caisse n'a finalement pas réussi à apporter les éléments de réponses nécessaires à ces problèmes posés. Cela renvoie à dire l'urgence de revoir radicalement le mode de gouvernance locale, devenu totalement désuet et en inadéquation avec les impératifs de la conjoncture et de la feuille de route tracée par les hautes autorités de l'Etat. Sur un autre registre, la Cour des comptes s'est penchée sur les comptes de cette caisse sur la période s'étalant de 2015 à 2020, touchant de près les aspects institutionnels et organisationnels mis en place et les conditions d'octroi des subventions aux communes et wilayas. L'institution de AEK Benmaârouf s'est également penchée sur les aspects de «soutien de fonctionnement, d'équipement et d'investissement réalisées par la Csgcl». Inadéquation entre les dotations et les résultats Les bilans financiers de la Caisse Csgcl, sur la période de 2015 à 2020, font ressortir un montant global des dotations, au titre de fonctionnement et d'équipement alloués au profit des collectivités locales, avoisinant les 2000 milliards de dinars. Au titre des recettes destinées à soutenir les collectivités locales, pour la même période, le rapport note un montant s'élevant à près de 4500 milliards de dinars, dont 2819,581 Mrds de DA (63,95%) représentant des reliquats, 1125,385 Mrds de DA (25,52%) représentant des recettes provenant de la fiscalité locale et des dotations de l'Etat pour 464,389 Mrds de DA (10,53%). Les auditeurs de la Cour des comptes notent également qu' «en dépit du volume considérable des dotations attribuées, la majorité des communes n'ont pas réussi à couvrir intégralement leurs dépenses obligatoires...». Cela, alors que le volume des dotations consenties aux communes s'élevant à 505 Mrds de DA, représentent plus de 89,13% de la masse globale consentie aux collectivités locales. Malgré la refonte de son statut, le rapport annuel relève «le rôle peu efficace de ce support technique de l'administration centrale dans la mise en oeuvre des différentes actions de soutien et concours financiers accordés dans ce cadre». Sur fond d'insuffisances organisationnelles et fonctionnelles relevées dans cette gestion, le rapport de la Cour des comptes relance le débat sur l'importance d'associer l'ensemble des acteurs et experts concernés pour sortir avec une nouvelle mouture à la mesure des attentes et des défis qui se dressent sur le chemin du développement local et durable. L'ENA doit revoir ses programmes D'où cette recommandation de revoir fondamentalement les programmes pédagogiques et de formation de l'Ecole nationale d'administration (ENA), devenus désuets aux yeux de nombre d'experts avisés. Il y a également cette notion et normes nouvelles du management moderne, qui consiste à considérer la commune comme une entité économique et commerciale réalisant des bénéfices et projetant des programmes d'investissement à long et moyen termes. Il existe également une panoplie de facteurs endogènes et exogènes qui ampute l'action des collectivités locales, comme par exemple l'absence de profils de managers aux postes de P/APC, ainsi que l'absence de nouvelles normes et techniques dans la gestion des communes. Tant que les élus locaux n'auront pas réussi à concevoir leurs communes respectives comme étant des territoires rentables et générateurs de valeurs et de richesses, on ne peut pas parler de développement local ou durable. Dans ce cadre, faut-il encore que les élus locaux et autres walis disposent d'une banque de données actualisées permettant de dépasser ce stade de navigation à vue. Il existe un large éventail d'outils et de dispositifs à même de permettre une gestion rigoureuse et planifiée des espaces territoriaux. Ces outils d'aide à la décision Considérés, à juste titre, comme étant des outils d'aide à la décision locales, les études socio-économiques, les monographies, les enquêtes ménages, les sondages d'opinion, les études anthropologiques, les études d'impact, les Focus-groupes, etc... peuvent élargir l'horizon des compétences et des résultats probants des collectivités locales. La notion de développement local et durable requiert des procédés et des techniques de gestion innovants et adaptés, tant aux territoires qu'aux populations locales. Dans son rapport d'audit, il est justement fait état «de l'insuffisance de ses moyens et humains (ndlr: de la Caisse) eu égard à ses nouvelles missions statutaires, d'une part, et à l'inachèvement du dispositif réglementaire permettant un meilleur encadrement de ses interventions financières, d'autre part». Sans compter l'absence relevée «de paramètres fiables et actualisés pour une répartition plus équitable des dotations». Beaucoup de carences sont également relevées à l'issue de ce rapport d'audit, notamment «le financement d'actions non éligibles au fonds de solidarité des collectivités locales ainsi que la faible maîtrise des subventions destinées à la formation, études et recherche, les surévaluations des projets et programmes, etc. Au-delà des aspects négatifs qui ont fait le bonheur de certains milieux connus pour être des commerçants du désespoir et des habitués des eaux troubles, le rapport annuel de la Cour des comptes pour l'année 2022, vient mettre le doigt sur les véritables zones d'imperfections et les lacunes dans la gestion des édifices publics, dans leurs différentes palettes. Un document référence aux mains des décideurs qui ont à charge la réforme des collectivités locales.