Boulimique de la vie autant que colossal comédien, Mahieddine Bachetarzi l'était sans l'ombre d'un doute. Lui, qui, venu par hasard à ce métier, avait dû travailler dur pour apprendre à s'exprimer, exorciser ses peurs et libérer ses émotions. Croquant à belles dents la vie artistique que les milieux citadins vouaient aux gémonies, il bousculera très tôt les attitudes surannées. Ayant le sens du partage, cela ne l'empêcha pour autant d'être en perpétuelle rébellion, contre l'ordre établi en particulier, apportant par la même occasion sa contribution à l'éveil de la conscience du peuple dont la révolte à l'état latent trouvait un prolongement certain en les idées sociales, politiques et nationalistes portées par les créations artistiques de l'époque. Mahieddine Bachetarzi, disait un confrère, aura connu toutes les grandes mutations du 20e siècle: la Grande Guerre, les premiers balbutiements du nationalisme, la Seconde Guerre mondiale, le 1er Mai 1945 à Alger, les massacres du 8 Mai de la même année, le déclenchement de la Révolution nationale, l'Indépendance, et il vit enfin la construction de l'Algérie nouvelle avec tout ce qu'il y a en elle de généreux et de contradictoire. Tous ces événements il les avait vécus, sans jeu de mots, «sur le devant de la scène». A l'avant-garde de l'activité artistique et culturelle, il aura sillonné tout le territoire national, transmis le message jusque dans les coins les plus reculés et imprégné l'action théâtrale de la dimension historique, sociale et politique telle que ressentie par tout un peuple en butte à une exploitation capitaliste et colonialiste.