On s'est souvent gargarisé des causes justes pour mieux imposer ses choix et conceptions des rapports entre les hommes et les Etats. Les relations entre les nations sont ainsi faites et ce n'est point la légalité internationale, telle que conceptualisée par la Charte des Nations unies, qui prime, mais bien le rapport de puissance entre les Etats. Cela avait été, en son temps, illustré par les péripéties de la guerre froide et les affrontements, par conflits locaux ou régionaux interposés, entre les deux superpuissances qui dominaient le monde. Cette espèce d'équilibre de la terreur aura préservé un modus vivendi entre Soviétiques et Américains, mais aussi une paix mondiale fragile certes, mais qui avait le mérite d'exister. Quoique le veto des uns et des autres eût souvent paralysé le Conseil de sécurité, l'ONU avait cependant eu l'occasion de justifier son activité, ne serait-ce que par le fait d'avoir donné aux peuples de trouver une tribune où ils pouvaient s'exprimer et revendiquer leurs droits. La disparition de l'Union soviétique avait induit l'émergence d'une unique puissance mondiale, les Etats-Unis avec, dans son sillage, le nouvel ordre international. Un ordre, dit-on alors, sans doute plus juste, plus à l'écoute de peuples qui n'ont eu ni droit au chapitre ni celui de le faire valoir. C'est exactement le cas du peuple palestinien qui, spolié de sa terre, nié dans ses droits, avait cru trouver dans l'unique puissance mondiale un juge juste qui saura maintenir l'équilibre, en les réhabilitant dans leurs droits, jusqu'ici outragés, sans pour autant les favoriser. Cela par la seule application des résolutions pertinentes, singulièrement les résolutions 242 et 338, du Conseil de sécurité de l'ONU, seule voie vers une solution équitable du contentieux proche-oriental. Or, loin de trouver dans les Etats-Unis ce juge juste et impartial, les Palestiniens auront eu surtout à constater que cette superpuissance, en laquelle ils ont placé tous leurs espoirs, s'est surtout fait l'avocat, en justifiant se s, en protégeant des condamnations de la communauté internationale un Etat, Israël, qui a fait de la force le seul vecteur de dialogue, niant pour les Palestiniens la possibilité d'ériger leur Etat indépendant. Cet Etat, créé - au même titre que l'Etat hébreu - par la résolution 181(I), de l'ONU, du 29 novembre 1947, confirmé par les résolutions 242 de 1967 et 338 de 1973, éprouve cependant toutes les difficultés à voir le jour du fait de l'obstruction d'Israël à son érection. Israël, qui refuse l'envoi par l'ONU d'une force d'interposition entre les deux parties, souhaite-t-il instaurer la paix? Les Etats-Unis, qui, par leur veto, bloquant une résolution de l'ONU, ont fait chorus avec les extrémistes israéliens, sont-ils dans leur rôle de parrain du nouvel ordre international? Un peuple se meurt, les tenants de la puissance mondiale trouvent le moyen de justifier ses assassins, qui occupent et colonisent une terre ne leur appartenant pas. Quel est ce nouvel ordre où l'arbitraire fait loi, où un Etat peut ordonner à son armée des assassinats ciblés, sans soulever d'horreur et d'indignation. Que peut-on attendre d'un ordre où une seule puissance ordonne et codifie les rapports entre Nations? Déclare le bien et le mal, s'arrogeant même le droit de mettre en marge des Nations, de catégoriser les Etats selon un «axe du mal» qui nous renvoie à la triste époque des sorcières de Salem? Quelle valeur peuvent, dès lors, avoir la charte de l'ONU, la légalité et le droit internationaux, devant le fait du prince que l'unique puissance s'est arrogé et impose au monde? C'est cela le nouvel ordre international? Non, la puissance est rédemptrice lorsqu'elle est assortie d'humilité, elle n'est que brutalité et barbarie quand la force est utilisée pour ce qu'elle est : contraindre et soumettre. Ce que Sharon n'a jamais compris, lui qui croyait que la puissance de son armée est suffisante pour faire plier un peuple qui se bat pour ses droits depuis 55 ans. Ce que n'a pas compris également George W.Bush qui, par son attitude compréhensive envers un criminel patenté, Ariel Sharon, et son mépris ostentatoire pour Yasser Arafat, a montré que son vernis de civilité est bien mince et son amabilité envers ses «alliés» arabes n'est que de circonstance. Comme en témoigne son silence devant le massacre par l'armée israélienne du peuple palestinien. On imagine mal que ce soit cela l'équité internationale et le droit pour tous les peuples de vivre libres et égaux, quand les Israéliens, sous l'oeil paterne des Américains, refusent aux Palestiniens de vivre libres dans leur propre Etat indépendant?