Au Maghreb, les événements s'enchaînent et suscitent de nombreuses interrogations. A moins de quarante jours de son second round des négociations avec le Front Polisario, le Maroc cherche par tous les moyens à occuper la scène médiatique. Dans le sérail chérifien, on compte énormément sur un éventuel «coup de pouce» d'un de ses puissants alliés pour torpiller le rendez-vous du 10 août prochain. On savait que le Maroc faisait face à la montée de l'islamisme radical. On savait aussi que ce pays n'a pas été épargné par les attentats, meurtriers au demeurant. Mais ce qui est sûr et que tout le monde connaît, c'est que le puissant Makhzen a tout quadrillé, selon des sources bien informées, des bas-fonds des grandes villes aux lointains douars du Rif. Au Maroc, le Makhzen a le bras long et les oreilles partout. Il est donc surprenant que, dans ce contexte précis, des groupuscules, jusque-là inconnus, sortent de leur tanière et s'annoncent sur Internet en commençant par menacer la sécurité du Maroc. Dernier en date, Ansar Al Islam, un groupe se déclarant de la mouvance salafiste qui apporte son soutien à Droukdel, numéro un du Gspc en Algérie et à Al Qaîda au Maghreb islamique. Après 32 ans de conflit au Sahara occidental, c'est la première fois que l'on entend parler d'une organisation portant le nom d'«Ansar Al Islam au Sahara islamique». D'où sortent-ils? Qui sont-ils? Pourquoi maintenant? Beaucoup de questions qui, sans doute, n'auront pas de réponses. Mais, au Maghreb, les événements s'enchaînent et suscitent de nombreuses interrogations. Cette dernière déclare combattre pour l'application de la charia, au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Le plus surprenant dans tout cela, c'est que cette organisation arrive à un point crucial des négociations entre le Maroc et les Sahraouis, empiétant dans le pré-carré du Front Polisario en le menaçant dans le même temps. Ainsi, le porte-parole d'«Ansar Al Islam» appelle tout simplement les «frères» du Polisario à faire «repentance». Pourquoi un tel discours et en ce moment? Et qui sont ces gens sortis soudain du néant qui demandent «repentance» à une organisation qui lutte depuis plus de trois décennies pour la liberté et l'indépendance du peuple sahraoui? Qui pourrait tirer profit de la confusion ainsi introduite dans un conflit dont les acteurs sont de longue date identifiés? Ce n'est certainement pas le Polisario. Le Maroc, de son côté, vit, depuis déjà quelque temps, au rythme de navettes de responsables sécuritaires américains. Après le chef de la Centrale des renseignements (CIA), Michael Hayden, c'est au tour du patron du Bureau fédéral d'investigation (FBI) de séjourner à Rabat et de s'entretenir avec les autorités militaires marocaines sur le terrorisme. Les Américains ont toujours accordé un grand intérêt à cette région, qui entre dans le cadre de leur stratégie planétaire. Toutefois, les contentieux qui minent la région, dont le Royaume chérifien en est le grand ordonnateur, ne facilitent pas leurs desseins. En fait, beaucoup d'intérêts semblent soudain se télescoper dans un Maghreb devenu soudain la région «stratégique» la plus convoitée. Et le Palais royal, loin de faciliter les choses à ses «alliés» américains, s'obstine plutôt à compliquer la donne, en prétendant être juge et partie dans un conflit dont la solution ne peut faire l'économie du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, ce qui est l'avis du Conseil de sécurité de l'ONU. Or, le rendez-vous de Manhasset (New York) risque d'être l'ultime round du contentieux maroco-sahraoui au moment où le Polisario commence à s'impatienter, menaçant de reprendre les armes en cas d'échec des négociations. Voici le tableau tel qu'il se présente. Mais dans tout cela, où peut-on caser «Ansar Al Islam au Sahara islamique?» Quels sont ses véritables liens avec le Gspc de Droukdel? Ce dernier, en perte de vitesse après les coups subis lors des multiples opérations de ratissage de l'ANP qui se sont soldées par l'élimination de quatre émirs, dont son conseiller, Ali Dis, mercredi dernier, à Béjaïa, a revu sa tactique et sa cartographie terroriste, où, désormais, la zone II est devenue la zone centre en plus des zones est, ouest et sud. Le pire des scénarios, c'est la reprise des hostilités et de la guerre entre le Polisario et l'armée marocaine, car cela créera une situation propice à l'infiltration d'éléments extrémistes voués aux idées d'Al Qaîda et ses sous-traitants d'Al Qaîda au Maghreb islamique. Les services de sécurité prennent au sérieux les menaces de cette illustre inconnue qu'est l'organisation «Ansar Al Islam», car en tout état de cause, c'est le Maghreb qui risque de se retrouver dans l'oeil du cyclone. Dans un tel cas de figure, le Maroc, dont les tergiversations ont fait obstacle à une solution au Sahara occidental, en portera l'entière responsabilité.