L'ambassadeur sahraoui en Algérie, Mohamed Yeslem Beysset, a exhorté hier le Maroc à adhérer au plan de paix du Front Polisario pour un règlement global du conflit dans le cadre de négociations directes autour d'une solution politique « mutuellement acceptable », dans le respect du principe de l'autodétermination du peuple sahraoui. C'était lors d'une conférence de presse animée au siège de l'ambassade, rue Franklin Roosevelt. Après avoir condamné solennellement les attentats du 11 avril, M. Beysset a d'emblée insisté sur le fait que l'« initiative sahraouie n'est nullement une riposte à l'initiative marocaine », un projet que le royaume chérifien, rappelle-t-on, a présenté à l'ONU le 11 avril ! Le timing de cette sortie médiatique coïncide, faut-il le souligner, avec la remise, par le SG des Nations unies, Ban Ki-moon, d'un rapport sur la situation au Sahara occidental au Conseil de sécurité, et ce, en prévision de la réunion dudit conseil, prévue fin avril, au sujet du renouvellement ou non du mandat de la Minurso (Mission des Nations unies au Sahara occidental). M. Beysset a exprimé sa pleine satisfaction de la teneur de ce rapport qualifié d'« équitable ». Même si le diplomate sahraoui s'en défend, cette sortie médiatique intervient quelques jours après que le Maroc eut déposé son projet d'autonomie à l'ONU, projet basé grosso modo sur la réactivation de la Corsac, le conseil des tribus sahraouies acquises à Rabat. Développant le contenu de l'initiative du Polisario, M. Beysset souligne qu'elle comporte une partie « non négociable » qui est la reconnaissance de la question sahraouie comme un problème de décolonisation. Cela dit, le diplomate insiste sur le fait que le plan sahraoui comporte plusieurs points originaux qui en font un projet tout à fait audacieux. « C'est une proposition qui tient compte des préoccupations de nos frères marocains », a-t-il insisté. En gros, c'est un plan Baker bis avec garantie d'octroi de la nationalité sahraouie aux résidents marocains, parmi d'autres « garanties post-référendaires ». « Nous appelons à des négociations directes avec le royaume chérifien. Il y a toujours eu des contacts, tantôt directs, tantôt indirects, tantôt publics, tantôt secrets, avec le Maroc. Il faut les réactiver. Il faut en finir avec cet immobilisme qui mine toute la région », plaide l'ambassadeur. Le Front Polisario, conscient de l'extrême pression (et répression) qui pèse sur le peuple sahraoui dans les territoires, veut un règlement définitif du conflit, dans un esprit « pragmatique ». « Nous en avons assez du jeu des puissances mondiales et régionales. Nous ne voulons plus d'un gendarme. Nous avons vu comment le soutien de la France et de l'Espagne au Maroc n'a fait que bloquer la situation. Le Maroc a épuisé toutes ses ressources militaires dans ce conflit. En vain. Il est donc temps d'aller vers de vraies négociations, sous la responsabilité de l'ONU », estime le conférencier. C'est sur un ton de « realpolitik », donc réaliste et résolu, que M. Beysset s'est évertué à « vendre » le plan de paix du Polisario à qui de droit. Le Front Polisario serait ainsi prêt à jouer son va-tout, semble-t-il suggérer. « Nous nous engageons à accepter les résultats d'un tel référendum quels qu'ils soient. Au peuple sahraoui de choisir entre l'indépendance, l'autonomie ou l'intégration au Maroc », a-t-il assuré. « Si le projet indépendantiste aboutit, nous donnons toutes les garanties aux frères marocains pour une coopération durable dans le domaine économique, financier et sécuritaire », poursuit-il, tout en intégrant dans ce partenariat les pays de la région dans le sens d'un Maghreb apaisé. « Et si les Marocains rejetaient votre offre ? », interroge un confrère. « Nous n'écartons aucun moyen », rétorque-t-il, dans une allusion à peine voilée à la possibilité d'un retour à la solution armée si le statu quo s'éternisait. Et au diplomate d'ajouter : « Notre initiative est de loin plus généreuse, plus démocratique et plus conforme à la légalité internationale que l'initiative marocaine qui est un projet égoïste. C'est un projet mort-né, car il fait fi d'un passage obligé qui s'appelle le référendum d'autodétermination. » Dans une région en pleine fournaise terroriste sous les frappes d'Al Qaïda Maghreb, le Front Polisario entend jouer pleinement la carte sécuritaire pour peser dans l'échiquier et se poser comme un partenaire incontournable. « Il n'y a pas qu'Al Qaïda. L'immigration clandestine, la pauvreté, la désertification sont autant de sujets de coopération », note M. Beysset, avant de conclure : « C'est une offre de paix honnête et responsable que les frères marocains auraient tort de rater. »