L'une des raisons de la création de ce nouveau pôle de développement est encore de désengorger la capitale et donner de nouvelles opportunités à la Mitidja. L'ambitieux projet relatif à la création d'une ville nouvelle à Bouinan, et qui a bénéficié d'une importante médiatisation, se heurte en réalité à beaucoup de problèmes et d'entraves, à commencer par le manque flagrant de moyens qui doivent accompagner ce projet et qui n'ont jamais été évoqués officiellement. En effet, le premier travail qui a été accompli pour les besoins du projet est celui des études menées par les services du cadastre afin de délimiter les propriétés, qu'elles soient privées ou domaniales. Ce travail a duré deux années et a été difficilement concrétisé d'après des sources concordantes. «Pour mener à bien notre travail, nous avons été obligés d'aller solliciter nos confrères de la capitale afin d'utiliser leurs moyens, notamment techniques. Dans ce sens, les moyens qui étaient en notre possession à Blida étaient inadaptés et rien n'a été fait durant notre mission pour rendre notre travail attractif, surtout qu'il s'agit là d'un important projet entrant dans les annales de l'Algérie indépendante», nous dira notre source qui veut garder l'anonymat. Une fois le travail du cadastre terminé, c'est le tour des services des domaines d'entamer leur mission, toujours en cours qui consiste à aller sur les lieux délimités par le cadastre afin de recenser tous les biens qui y existent, en attendant l'arrêté du wali de Blida stipulant l'expropriation des propriétaires terriens «détournés», lesquelles propriétés serviront d'assiette à la ville nouvelle. Toutefois, certains agents des domaines se disent «dépassés» par ce travail et soulèvent à leur tour le manque de moyens et surtout de personnel, car une opération pareille et de grande envergure nécessite, d'après eux, plusieurs agents accompagnés par une opération de recrutement, même à durée déterminée pour pouvoir mener à bien la tâche. Un projet à démarrage lent Ce problème peut aussi être aggravé par le départ en vacances, durant ce mois d'août, de plusieurs agents, réduisant ainsi le travail des agents des domaines, encore plus aléatoire, alors qu'il y a urgence à terminer ce travail dans les plus brefs délais afin que les travaux du lancement de la nouvelle ville puissent débuter. Notre interlocuteur déplore, également, le fait que les données sur la ville nouvelle de Bouinan sont très rares alors qu'elles devaient être disponibles au préalable. Il s'est montré outré par le fait que même l'APC de Bouinan, première cellule concernée, en soit dépourvue. Autre fait grave constaté par les agents des domaines, des propriétaires ont carrément érigé des constructions au niveau de certains sites relevant du projet de la ville nouvelle alors que cela est strictement interdit. Une chose est sûre d'après le directeur de l'urbanisme de la wilaya de Blida: aucun permis de construire n'a été délivré à ces gens-là et le recours à la construction des bâtisses s'est fait dans le «noir». Le même responsable, dont les services demeurent concernés aussi par la ville nouvelle, nous indique qu'aucune transaction de terrains n'a eu lieu au niveau des localités ciblées par le projet et que même ses services ne disposent pas d'un plan digne de ce nom. Tout cela constitue une véritable aberration pour les autorités locales, censées préparer, posséder et suivre tout ce qui concerne ce projet, dès le début. Et pourtant, une correspondance datant de mars 2003 et émanant du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme de l'époque, en l'occurrence Mohamed Nadir Hamimid, à l'ex-wali de Blida, Mohamed Bouricha, évoquait le procès-verbal de la création des villes nouvelles de Bouinan et d'El Affroun et qui a eu lieu le 18 février 2003 au siège du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement. Depuis, les moyens, qu'ils soient humains ou matériels, n'étaient pas et ne sont toujours pas au rendez-vous alors que la période est largement suffisante pour mener des actions relatives à la sensibilisation, à la coordination ainsi qu'à la préparation du fameux projet. Par ailleurs, le choix de Bouinan pour accueillir la ville nouvelle n'était pas fortuit puisque cette dernière occupe une position centrale privilégiée et très stratégique de par sa proximité de la capitale, de l'aéroport international Houari-Boumediene, de Boumerdès, de Blida et son importante université et ses entreprises de grande envergure. Pour ceux aimant la villégiature et dans le cadre de sa vocation «prioritairement» créative, les piémonts et les zones montagneuses qui surplombent Bouinan sont desservis par une série de pistes qui se rejoignent au niveau du replat de Tefrent en contournant le djebel Marmoucha pour aller vers Chréa. Cette dernière peut également être visitée grâce à la route féérique de Tabaïnet qui contribuera certainement à la promotion du tourisme dans cette région. D'ailleurs, on apprend que Bouinan aura sa station téléphérique qui la reliera aux montagnes de Chréa ainsi qu'un hôtel d'affaires et de loisirs, des sièges de banques et d'importantes entreprises afin de concilier entre «business» et détente. L'importance de Bouinan réside aussi dans le fait qu'elle est desservie par plusieurs infrastructures routières, comme celle reliant Bouinan à Blida et à l'est de la capitale (RN29), les chemins de wilaya liant Bouinan à Boufarik et autres localités, sa proximité de la voie rapide Alger-Blida et surtout sa liaison avec l'autoroute Est-Ouest qui est d'ailleurs envisageable. Pour que la circulation routière n'y soit pas «étouffée» et dense, Bouinan aura aussi une ligne ferroviaire en liaison avec l'université de Soumaâ et Boufarik puisque cette dernière constitue un transit ferroviaire par excellence. Bouinan est également le «coeur» de la Mitidja avec son potentiel agricole remarquable qui correspond aux riches terres fertiles de la plaine de la Mitidja. Cette dernière lui procurera ses réserves hydriques à travers ses nappes souterraines, Magtaâ Lazreg, et aussi grâce aux retenues collinaires. Elle sera la plus importante pour ce qui est des villes nouvelles puisqu'elle accueillera jusqu'à 150.000 habitants, contrairement aux trois autres «pôles» prévus et qui sont Mahelma (technopôle), El Affroun (agropôle) et Naciria (industrielle) et dont leur capacité d'accueil est de 100.000 habitants pour chacune d'entre elles. La vocation principale de Bouinan sera donc sportive, ludique, récréative et de loisir, vu sa mitoyenneté avec des lieux touristiques indéniables comme le Parc national de Chréa et son important patrimoine forestier, la station thermale de Hammam Melouane et ses effets curatifs et apaisants ainsi que les complexes sportifs de Blida, considérés comme des plus importants dans le pays. On apprend que même le ministère de la Jeunesse et des Sports y élira domicile dans quelques années à côté des Fédérations sportives et de plusieurs infrastructures sportives stades, terrains de golf, auberges de jeunes...On y prévoit même la mise en place d'un lac pour les sports nautiques. Un véritable village olympique y sera érigé, au grand bonheur des sportifs et de ceux qui aiment le «défoulement» au milieu de la verdure. Le département de Chérif Rahmani, chargé notamment de l'environnement et du tourisme, insiste pour que plus de 40% de la superficie de la ville nouvelle soit verte, et ce en évitant les erreurs d'antan où le béton faisait et fait toujours des «ravages», tout en répondant aux normes internationales qui «préconisent» 10m² d'espace vert par habitant, alors qu'en Algérie ce chiffre est réduit à 1m² seulement pour un seul habitant. Toujours dans le cadre de la protection de l'environnement, les ordures jetées par les 150.000 nouveaux habitants, en dehors de ceux qui y habitent actuellement ainsi que celles émanant notamment de sociétés et autres institutions, seront reconduits dans un centre d'enfouissement technique qui est situé entre Bouinan et Soumaâ et qui sera opérationnel d'ici quelque temps seulement, à côté d'un Centre national de l'environnement et du développement durable, d'un magnifique jardin citadin et méditerranéen. Désengorger la capitale Selon M.Aïssat, chef de daïra de Bouinan, le centre d'enfouissement, et contrairement à ce qu'on dit, répond aux normes et n'a pas d'effets néfastes pour l'environnement. «Il a une durée de vie de 25 ans et peut accueillir les déchets de neuf communes environnantes», ajoute-t-il, tout en rassurant la population locale et les «écologistes» qui ne cessent de montrer leur refus quant à la réalisation du centre. Le représentant des pouvoirs publics estime que ce dernier répondra aux normes et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il nous fera savoir qu'il s'agit de la ville nouvelle et non la nouvelle ville, comme il aime à le préciser puisque Bouinan existe et il y aura une ville nouvelle qui va la compléter et non la création d'une nouvelle ville. L'industrie pharmaceutique est aussi programmée dans l'ambitieux projet où des firmes spécialisées, notamment dans la fabrication de médicaments et son contrôle, y éliront domicile en apportant leur savoir-faire dans le domaine auprès des firmes spécialisées dans la recherche biotechnologique et de l'amélioration génétique. «Malgré cela, la priorité des priorités est le côté attractif et la préservation de l'environnement, surtout le Parc de Chréa qui demeure un véritable joyau pour notre pays», souligne le chef de daïra. La ville nouvelle, avec une superficie dépassant les 2000 ha, et en dehors de ces vocations, aura surtout pour mission de désengorger la capitale, qui demeure asphyxiée par le nombre croissant d'habitants, d'où un important programme de construction de logements. D'autres infrastructures sont prévus d'ici à 2020. Pour le moment, on prévoit, dans les prochains mois la construction, notamment de 500 logements de haut standing sur le premier îlot de 600 ha concerné par la première opération d'urbanisation, «raflée» dernièrement par un consortium coréen à la suite d'un avis d'appel d'offres international et qui sera achevée officiellement d'ici à cinq ans. En tout, on prévoit la construction de 20.000 logements au niveau de la ville nouvelle sur les 1200ha concernés par l'urbanisation sur un total de 2115ha destinés à la ville nouvelle, et ce sans oublier le parc immobilier qui existe déjà à Bouinan-ville et ses localités environnantes et estimé à 5566 logements. Les 962 ha qui restent ne vont pas être touchés par cela puisqu'ils sont à préserver car appartenant entre autres à des terrains agricoles ou forestiers. On envisage aussi la construction de 27 logements par hectare, lesquels seront occupés par cinq individus en moyenne. La ville nouvelle sera alimentée en électricité à partir d'un poste situé à Boufarik, en attendant la mise en place d'un autre poste à Meftah. Par ailleurs, une étude hydrologique à été recommandée en priorité avant le lancement du projet à cause des oueds qui traversent le piémont en direction de la plaine. D'ailleurs, cela peut constituer un grand risque d'inondation pour les zones d'urbanisation situées en contrebas, surtout lorsqu'il s'agit d'une urbanisation massive du fait de l'imperméabilité des sols, d'où l'insistance sur les plantations des arbres et «l'extension» du Parc de Chréa. Ses réserves hydriques sont représentées par les nappes souterraines de la Mitidja et l'arrière-pays, notamment de la localité de Magtaâ Lazreg, non loin de Hammam Melouane. Au début, les sites qui ont été proposés pour la création de la ville nouvelle étaient tous situés sur des terrains accidentés (15 à 40%) à dominance instable. En raison de cette topographie, de la nature lithologique du terrain à dominance argileuse, donc imperméable, ainsi que leur proche proximité avec le parc de Chréa, ces sites n'ont pas été retenus, et il a été proposé en contrepartie trois sites limitrophes favorables (8 à 15% de pente) correspondant à des replats et totalisant plus de 2 000 ha. Toutefois et d'après des experts, cela «n'offre pas l'opportunité d'une urbanisation continue, d'où il est recommandé d'optimiser l'exploitation des possibilités de densification et de restructuration qu'offrent les agglomérations existantes de Bouinan, Amroussa et Hassaïnia». Notons que dans le but d'accélérer le projet de la ville nouvelle et qui connaîtra prochainement la visite du président de la République il est prévu, à la suite d'un décret exécutif, la création dans quelques jours à Blida d'un établissement chargé de suivre ce projet. Il sera chapeauté par un directeur général qui veillera à la gestion de l'établissement, à la coordination des autorités hiérarchiques avec tous les acteurs concernés. Un projet important et ambitieux nécessite beaucoup de moyens humains et matériels. Pour que le ville nouvelle de Bouinan voie le jour il est impératif que chacun y prenne ses responsabilités à son niveau.