Si l'une des dentures de l'engrenage est cassée, c'est l'ensemble du système qui s'enraye. «Quand le bâtiment va, tout va», le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Noureddine Moussa, fait sienne cette citation de Martin Nadeau, cet ancien ouvrier maçon français. L'invité de L'Expression croit dur comme fer que son département ne peut pas réussir son pari, celui d'assurer aux Algériens un logement digne et décent, si le reste des secteurs, qui sont en relation directe avec le sien, sont estropiés. «Je ne suis pas seul à travailler dans le secteur du bâtiment, mais il y a d'autres segments qui ne sont pas des moindres, qui doivent intervenir, à un moment ou un autre. Mais lorsqu'un des éléments de cette longue chaîne souffre d'une quelconque panne, rien ne va plus». Par ces mots, Noureddine Moussa tente, tant bien que mal, de cerner la problématique de la crise du logement dont souffre l'Algérie: «Lorsque le pays ne dispose que de 3500 architectes, de main-d'oeuvre peu qualifiée, d'ingénieurs mal encadrés, d'entreprises qui ne sont "célèbres" que par le nom, comment voulez-vous qu'on réussisse?». Sans être alarmiste, l'invité de L'Expression parle, avec, dans son langage, un brin de dépit. Le constat dressé sur le terrain n'est pas du tout reluisant. Cela concerne notamment les entreprises exerçant dans le secteur du bâtiment, qui sont «loin de répondre aux normes universellement admises». D'ailleurs, le ministre de l'Habitat voit mal ces entreprises qui fonctionnent seulement avec les «moyens du bord», alors que pour un entrepreneur, digne de ce nom, qui se lance dans le domaine du bâtiment, il lui faudra mettre le paquet. Sans quoi, quels que soient les efforts qu'il déploie, le résultat sera toujours le même. Préférant parler le langage des chiffres, Noureddine Moussa a indiqué qu'aujourd'hui, en Algérie, sur l'ensemble des entreprises exerçant dans le secteur du bâtiment, seules 26.000 sont qualifiées. De ce nombre, 6000 entreprises sont classées au niveau1. C'est-à-dire des entreprises qui, dans la construction, ne peuvent aller au-delà d'un R+4 étages. Dans cette optique, il faut dire que plus le bâtiment avance en hauteur, plus l'entrepreneur a besoin de matériaux. Et pour ce faire, il faudra avoir les moyens, notamment financiers, nécessaires. En outre, l'une des lacunes pointées du doigt par le ministre de l'Habitat, c'est le recours des entrepreneurs algériens aux matériaux traditionnels, à l'instar du coffrage qui se fait encore avec des madriers, alors qu'ailleurs on utilise des plaques métalliques qui font une économie aussi bien d'argent que de temps. «Il est temps pour les entrepreneurs algériens de comprendre que pour réussir dans ce domaine, il faut recourir aux nouvelles technologies et ne pas se contenter des moyens classiques qui ne sont plus utilisés», estime l'invité de L'Expression, avant d'ajouter: «L'investisseur dans un créneau pareil devra comprendre qu'il ne récoltera les fruits de son travail qu'à long terme. Mais nous, on veut tout et tout de suite! Et cette mentalité ne le fait avancer en rien.» Pour récapituler, le ministre de l'habitat indique: «Pour relever le secteur de l'Habitat, il nous faut une ingénierie forte, des entreprises fortes, des architectes qualifiés, de la main-d'oeuvre bien formée, de l'argent, une bonne gestion et...enfin le civisme du citoyen». Il s'agit, en somme, d'un engrenage: si l'une des dentures est cassée, c'est l'ensemble du système qui s'arrête.