Zohra était cet être sensible racontant sa vie de jeune femme face aux tabous et aux lois d'airain de la société kabyle. Zohra, la cantatrice à la douce voix, où se sentent la garrigue des monts de Kabylie et les dures épines parsemant les chemins de la fontaine, chemins que Zohra, jeune fille et jeune femme, aimait à fréquenter pour aller à la rencontre de ses camarades avec qui elle aimait à raconter la quotidienneté et dire ses souffrances. Zohra était cet être sensible racontant sa vie de jeune femme face aux tabous et aux lois d'airain de la société kabyle. Une vie dure et stricte où les travaux des champs alternent avec ceux du ménage et la vie s'écoule tranquillement, du moins en apparence, dans le train train d'un village. Mais comme toutes les jeunes femmes qui ne peuvent le dire, Zohra ressent ces petits riens qui manquent et qui causent un grand vide. Aussi elle se fait porte-parole de toutes ses soeurs qui se taisent et se tairont à jamais, car ici la société kabyle le veut ainsi. De sa voix chaude de cantatrice, elle fait ployer le verbe à son entendement et l'usage des mots se fait sabre vengeur contre les arcanes de la vie. Une vie que Zohra a goûtée dans ses plus durs et plus tranchants moments. Dès les premiers mois de son mariage, cet état tant recherché par toute personne se révèle des plus durs. Elle laisse sa fille sans véritable foyer et s'envole vers un autre destin. D'un autre lit, elle eut encore un autre enfant, que Zohra, désormais la mère aux cheveux blancs, promise à la séparation, va laisser encore pour prendre son chemin vers les planches. De concert en concert, elle brave les jours mauvais, elle qui n'a jamais eu le privilège de fréquenter l'école mais qui avait cette sensibilité à fleur de peau qui lui a permis de raconter la Kabylie et la femme kabyle. C'est en 1986, et après le succès de sa première cassette, que Zohra se rendit en France où elle anima plusieurs galas. Des galas qui la font connaître au large public. L'étoile s'éteindra suite à un accident de la circulation en France en janvier 1995 à la fleur de l'âge. Aujourd'hui, son corps repose à Larbaâ Nath Irathen, mais son riche répertoire est toujours scandé par des femmes et des jeunes gens qui trouvent dans ses paroles un certain baume. Les 20, 21 et 22 janvier a été rendu, à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, un hommage aussi grandiose que simple en la mémoire de la diva kabyle. L'association culturelle Asurif-Boumadène de Boumahni, dans la commune de Aïn Zaouia, et sous l'égide de la Direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, a rendu un hommage à la défunte. Un riche programme comprenant des expositions sur la vie de Zohra avec son parcours, son palmarès, l'art traditionnel kabyle avec les bijoux, la poterie et les tenues traditionnelles ont alterné avec les projections vidéo et les clips de la diva. Enfin, des témoignages sur la vie de Zohra ont été faits par les amis et la famille de la chanteuse. Le tout est clôturé par un gala animé par une pléiade de chanteurs.