L'affrontement de Cuito Canavale a bouleversé l'équilibre politique de la région, précipitant l'indépendance de la Namibie et la chute de l'apartheid en Afrique du Sud. L'Angola commémorait hier pour la première fois la bataille de Cuito Canavale qui, il y a vingt ans, a bouleversé l'équilibre politique de la région, précipitant l'indépendance de la Namibie et la chute de l'apartheid en Afrique du Sud. «Nous ne célébrons pas seulement la victoire de Cuito Canavale, mais la victoire de la démocratie en Afrique australe», a souligné l'ambassadeur d'Afrique du Sud à Luanda, Themba Khubeka, invité aux célébrations avec des dignitaires cubains, russes, namibiens, angolais et sud-africains. 1988: l'Angola est plongé dans une guerre civile entamée dès l'indépendance de l'ancienne colonie portugaise en 1975, entre le Mouvement populaire de libération de l'Angola (Mpla, au pouvoir) et les rebelles de l'Union nationale pour l'indépendance totale d'Angola (Unita). Le Mpla, mouvement d'orientation marxiste, est soutenu par des troupes cubaines, tandis que l'Unita reçoit l'aide de l'armée sud-africaine. Le régime ségrégationniste d'Afrique du Sud, viscéralement anticommuniste, veut empêcher l'Angola de fournir une base arrière aux militants anti-apartheid du Congrès national africain (ANC) et aux indépendantistes namibiens, qui luttent contre l'administration de leur pays par Pretoria. Le 22 mars, les deux camps se retrouvent face à face près de Cuito Canavale, dans le sud-est de l'Angola, qui occupe une position stratégique sur la route de grandes villes comme Huambo et Lubango (centre). «A 18h00 le 22 mars, l'ennemi a quitté la rive est de la rivière pour se diriger vers la rive ouest où notre défense était stationnée», se rappelle le colonel Mele Francisco Camacho. «90 minutes plus tard, les combats ont commencé», ajoute l'Angolais, qui commandait une brigade d'artillerie de l'Armée populaire de libération de l'Angola (Fapla). «L'ennemi nous pilonnait avec des obus sud-africains G-5 et des chars d'assaut. Les soldats tiraient. Nous aussi, nous avons engagé notre artillerie.» «On ne voyait rien. On savait que l'ennemi était sur l'autre rive et nous avons orienté nos armes dans cette direction.» Toute la nuit, la ville de Cuito Canavale, qui n'avait pas d'électricité, est restée éclairée par le feu nourri des combats, secouée par le fracas des obus. «On était tellement proches de l'autre camp qu'un bombardement aérien aurait touché nos propres troupes», indique le colonel Camacho. Finalement, à 07h00, les tirs cessent. Les Sud-Africains se retirent. «Nous avons su que c'était fini.» Immédiatement, le bilan militaire fait polémique. Les forces cubaines et angolaises crient victoire, mais l'Afrique du Sud assure n'avoir perdu que 31 soldats contre 4785 hommes pour l'autre camp. Défaites ou pas, les forces sud-africaines se retrouvent au banc des accusés dans leur propre pays. Médias et société civile se demandent pourquoi l'armée est intervenue si loin et condamnent les pertes humaines. Pretoria accepte de chercher une solution négociée. Pour la première fois, des Américains, des Cubains, des Russes, des Angolais et des Sud-Africains s'assoient à la même table. Au plan interne, le régime raciste engage aussi des discussions avec l'ANC. En décembre 1988, l'Afrique du Sud accepte des élections en Namibie en échange du retrait des troupes cubaines d'Angola. Et les développements s'enchaînent: en 1990, la Namibie déclare son indépendance; entre 1990 et 1994 l'apartheid est démantelé; en 1991 un cessez-le-feu est signé en Angola, mais les combats reprendront l'année suivante et la paix ne sera finalement signée qu'en 2002. Le colonel Camacho a été décoré pour son rôle dans la bataille de Cuito Canavale. Cela n'a pas changé grand chose à sa vie, dit-il. Mais «je suis content que cela ait changé tant de choses dans la région.»