Sifflée à ses débuts au Nigeria, raillée pour sa voix grave, elle triomphe en France où sa tournée se déroule à guichets fermés. Bon nombre d'artistes ont choisi de vivre sous d'autres cieux, depuis des décennies. Des gens ayant trouvé refuge et donc sollicités de partout. Tout de même, plusieurs d'entre eux restent méconnus au pays, surtout en matière de talent et virtuosité. Ainsi, des noms retentissent dans le monde entier et sillonnent les quatre coins du monde en évoluant dans plusieurs groupes reconnus internationalement mais qui restent des «inconnus» ou «sous-estimés» dans le milieu artistique local. Telle est la situation qu'a vécue la chanteuse Asa. Sifflée à ses débuts au Nigeria, raillée pour sa voix grave, elle triomphe en France, où sa tournée se déroule à guichets fermés. Mais la jeune chanteuse de soul n'est pas revancharde: son succès, dit-elle, «doit avant tout montrer la voie à ses compatriotes». Avec plus de 100.000 albums vendus en quelques mois, son histoire a tout d'un conte de fées. Depuis qu'elle est petite, Asa, qu'il faut prononcer ‘'Asha'' (faucon en yoruba), rêve de devenir chanteuse. Elle reprend alors les standards de Bob Marley et Michael Jackson, selon sa biographie dressée par son label, Naïve. A l'adolescence, Asa, de son vrai nom Bukola Elemide, tente sa chance dans la chorale. Mais sa voix grave, parfois rauque, ne plaît pas. A Lagos, où elle vit, les passants ‘'rient'' d'elle, se ‘'moquent de sa voix'' quand elle chante dans la rue. Son père, caméraman mélomane dont les nombreux vinyles l'ont inspirée, et sa mère, commerçante, veulent en outre faire de leur fille un docteur ou une avocate. Pendant ses études, Asa s'inscrit en cachette dans une école de musique où elle apprend la guitare. Elle se produit au Centre culturel français de Lagos, s'y fait remarquer et est invitée à jouer en France. La belle histoire, marquée par de nombreux allers et retours entre le Nigeria et la France, peut commencer. En 2004, elle se retrouve en résidence artistique à Paris, où elle rencontre Manu Dibango, Daby Touré ou encore Tony Allen. Son label la repère trois ans plus tard, alors qu'elle se produisait en solo en première partie du duo franco-camerounais des Nubians dans une salle parisienne. «Dès le lendemain, on a pris rendez-vous avec elle. Elle est arrivée, très humble, avec sa maquette. On a écouté les cinq titres. On savait que ça allait marcher», se souvient Marion Gaudart, qui la suit. La sortie de son album, sobrement nommé Asa, est peaufinée pendant six mois. Les textes, souvent en anglais, parfois en yoruba, sont chantés sur une orchestration folk-soul - reggae. «Je veux jouer pour le monde, et pas seulement être vue comme une chanteuse africaine», explique-t-elle. Le single Fire on the mountain passe en boucle à partir d'octobre sur de nombreuses radios. Les concerts se multiplient en France, souvent à guichets fermés, ainsi qu'en Allemagne, en Italie, en Espagne... «J'avais un rêve. Je voulais être chanteuse. Et j'ai réussi. C'est ce que je dis dans mes chansons. J'essaie d'avoir une influence positive, de montrer la voie aux Nigérians, leur dire qu'il faut suivre ses rêves», observe la jeune femme, qui commence à être reconnue et appréciée dans son pays d'origine. «C'est ma plus grande fierté», confie-t-elle. Ces genres de musiciens ayant choisi de prendre au sérieux leur métier, préfèrent tenter leur chance comme bon nombre de leurs «aînés» qui ont réussi. Comme quoi, à ce jour, «nul n'est prophète en son pays»!