La montée au créneau de nombreux cadres et la riposte «maladroite» du SG sont des signes qui ne trompent pas. Les événements vont en se précipitant dans les rangs du «premier parti du pays». La grogne autour de ses listes a pris des proportions telles qu'elles ne menacent rien moins que le devenir de ce parti. Une commission, dite de sauvegarde du RND, vient ainsi d'être créée. Sa naissance, rendue publique mardi, s'adresse à tous les militants du parti pour tirer en termes vitriolés sur le secrétaire général du parti, Ahmed Ouyahia. Ce dernier est accusé d'avoir suscité un climat de suspicion dans les rangs du RND au point qu'il a oté toute chance de réussite au parti. S'il était parti, dans les pires des cas, se placer en seconde position derrière le FLN, tout porterait à croire, au regard des derniers rebondissements, que le pire est à craindre, y compris la mort plus ou moins programmée de cette formation politique dite «éprouvette». Les initiateurs de la fronde, tous députés et membres du conseil national éconduits, reprochent ainsi à Ouyahia, dans leur communiqué, d'avoir promis depuis 98 d'aller vers un congrès extraordinaire et de n'avoir pas tenu sa promesse. Contacté par nos soins hier, le coordinateur de cette commission, Aïssa Nouasri en l'occurrence, n'a guère caché son dépit. «C'est en dernier recours, quand toutes les autres voies de protestation ont été épuisées, que nous avons décidé de mettre en place cette commission.» Celle-ci, dont la composante humaine ne cesserait de s'élargir, comporterait déjà pas moins de 93 députés et 53 membres du conseil national du RND. Selon notre interlocuteur, les nouvelles adhésions oscillent quotidiennement entre 10 et 20 personnes. Le bras de fer est donc engagé pour la tenue, en extrême urgence, d'un conseil national, instance suprême entre deux congrès afin de s'expliquer avec Ouyahia et ses hommes. Cet homme, on s'en doute, risquerait sa place. Comme nous l'a appris l'histoire, il est rare que les gens partent par une méthode autre que celle par laquelle ils sont venus. Or, chacun sait de quelle manière Ouyahia avait pris la tête du RND en 98 et quelles étaient les personnes qui avaient pris la part la plus active dans cette action. Le conseil national, composé de 147 membres, doit atteindre un quorum des deux tiers pour espérer imposer un conseil national extraordinaire, comme cela a été le cas en 98. C'est exactement comme cela qu'avait procédé Ouyahia fin 98 pour écarter Benbaïbèche. Il semblerait, à en croire pas mal d'informations recoupées, que les frondeurs ont une chance de parvenir à leurs fins. Beaucoup de cadres, laissés sur leur faim après la confection des listes électorales, se proposent de rejoindre la commission sous certaines conditions variant d'un groupe (ou clan) à l'autre. C'est ce qui semble avoir poussé Ouyahia, comme nous l'a appris hier notre interlocuteur, à émettre une circulaire gelant les activités de tous les conseils de wilaya. Pour information, ces conseils regroupent les présidents des APC, les élus locaux, les sénateurs et les députés. Ce gel, donc, s'avère être une arme à double tranchant. S'il peut retarder la mise en branle de la fronde tous azimuts contre Ouyahia, en revanche, il met à nu l'ampleur de la crise qui secoue le RND, empêche même ce parti (ses cadres locaux ayant les mains liées) de mener sa campagne, en éloigne aussi bien les militants, que les sympathisants et les simples électeurs. La débandade frappe très sérieusement aux portes. L'acte (désespéré ?) d'Ouyahia, montre, selon notre interlocuteur, que celui-ci «a compris que toute la base du parti est contre lui». Notre source explique cela par le fait, à l'en croire, que «les critères devant présider au choix des candidats, clairement définis par le dernier conseil national n'ont guère été respectés alors que la confection des listes s'est faite dans l'opacité la plus totale. D'où la présence en têtes de liste de tous les membres du bureau national.» Dans ce même volet, Ouyahia est également accusé de tenir un double langage. A en croire notre interlocuteur, «Ouyahia a appelé à faire barrage à l'intégrisme et à l'islamisme, allant même jusqu'à ouvrir grandes ses listes aux patriotes. Ces derniers ont tous fini par être rejetés, voire humiliés.» C'est ce qui fera dire à Aïssa Nouasri qu'«Ouyahia a peut-être pour ultime mission de liquider le RND. Cet homme des sales besognes, qui a un lourd actif derrière lui, est le mieux placé pour effectuer cette basse oeuvre.» A notre question sur les raisons qui motivent cette fronde tardive, et forcément intéressée, notre interlocuteur commencera par dire, à sa décharge, qu'il a toujours été contre Ouyahia avant d'ajouter: «Les cadres avaient fait confiance aux résolutions du dernier conseil national et avaient sincèrement cru que les meilleurs candidats allaient être choisis au lieu d'un chauffeur de taxi à la place d'un universitaire et que des étrangers au parti se fassent délivrer une carte quelques heures avant le dépôt des listes et se placent parmi les trois premiers.» A une autre question, relative à la possibilité qu'Ouyahia ait pu être trompé par ses coordinateurs de wilaya notre interlocuteur répondra qu'«au regard de l'expérience d'Ouyahia, au poste de ministre de la Justice qu'il occupe, même s'il n'a pas de responsabilités directes dans ce qui s'est produit, seule sa démission pourra calmer les esprits.» Pour rappel, le mouvement de colère avait commencé depuis plusieurs jours. Celui-ci était tel, dans certaines régions, que la liste de Batna n'a même pas pu être déposée alors qu'à Oran où Abdelkader Bensalah est tête de liste les gens en étaient carrément arrivés aux mains.