Ce n'est pas seulement l'avenir de Ouyahia qui se joue, mais c'est aussi celui de tout le parti. La manière dont Ouyahia gère la fronde au sein de son parti s'apparente à une sorte d'arme à double tranchant. Le terrible dilemme auquel il fait face pourrait le pousser à choisir entre son poste et la survie même du RND. Tous les éléments d'information qui filtrent abondent dans ce sens. Le syndrome du putsch, qui se précise de jour en jour, commence à faire tache d'huile dans la maison RND. Ahmed Ouyahia, qui a toujours eu le verbe facile, donnait l'air de vouloir chercher ses mots lors de ses dernières apparitions publiques et dans lesquelles il annonçait «être prêt à rompre pour une journée sa campagne pour aller en conseil national extraordinaire et mettre un terme définitif à cette crise». Il est vrai que le patron du RND n'a jamais été confronté à une telle situation au sein de son parti. Il a même été jusqu'à décréter une «concorde» spéciale RND, pour mener les cadres rebelles à se «repentir». Ce qui a porté ses fruits avec le retour au bercail de certains députés frondeurs. Mais le problème n'en est pas moins aiguisé à cause de l'initiative de certains députés et cadres RND qui oeuvrent à provoquer un conseil nationale extraordinaire visant à mettre fin non pas aux problèmes, mais au règne d'Ouyahia à la tête du RND. Par ailleurs, et comme pour isoler un peu plus Ouyahia, la base a aussi été entraînée dans la mêlée. Pas plus tard qu'avant-hier, des militants du parti à Sétif avaient pris d'assaut divers sièges du parti. Un incident révélateur pour qui sait que les militants de cette région sont parmi les plus disciplinés. Pourra-t-il survivre à cette tempête? Ouyahia est connu par son charisme et son sang-froid. Pour le moment, les observateurs parient que le scénario de décembre 1998, qui a détrôné Benbaïbèche ne pourra pas se produire. Mais la grogne autour des listes et les calculs hasardeux menacent l'avenir de ce parti à la veille du scrutin. Une menace qui commence à profiter au FLN et aux partis islamistes. A ce propos, certains militants ont déjà donné leur voix au MRN de Djaballah bien avant la tenue du scrutin. C'est Djaballah lui-même qui a confirmé, sur un ton provocateur, la fuite de certains militants RND vers le mouvement El-Islah. Pour les cadres frondeurs, le RND est en crise. Ces derniers ne cessent de marteler que la source de cette crise, qui frappe le parti majoritaire au sein de l'APN, n'est autre que Ahmed Ouyahia. Une commission dite de sauvegarde du parti, créée en pleine période électorale, ne fait que confirmer la crise. Quel discours prônera Ouyahia pour sauver à la fois sa peau et celle du parti qui risque de perdre beaucoup de sièges à l'hémicycle de Zighoud-Youcef. N'y a-t-il pas là un dilemme pour le premier responsable du RND? Faire à la fois face au péril islamiste, stopper l'élargissement de la composante de la commission dite de crise lancée par des cadres de parti, et enfin, assumer les résultats de la purge tardive qui secoue le RND. Nul ne conteste la difficulté de cette tâche décisive dont le bilan devrait se traduire au lendemain du scrutin. C'est-à-dire dans 30 jours. Les derniers rebondissements qui se déroulent au sommet du parti font craindre le pire. Pas moins de 123 députés et 53 membres du conseil national sont montés au front. Si les deux tiers des membres du conseil national demandent la tenue du conseil national extraordinaire, le bureau national et le premier responsable du parti ne peuvent que s'y plier. C'est là où se situe la bataille entre Ouyahia et ses détracteurs. Ouyahia doit parvenir à maintenir la majorité de son côté. Même si cela devra obéir à des calculs techniques. Sa décision de geler les activités des conseils de wilaya ne constitue-t-elle pas un danger pour le RND sachant que tout parti doit s'appuyer sur ses instances locales pour mener à bien les batailles législatives? Ce qui amène une question qui devient tout autant délicate qu'évidente dans des cas pareils: Ouyahia est-il en train de sacrifier la majorité de son parti à l'APN pour se maintenir au poste de SG du parti?