Et on remet ça! L'armée mauritanienne vient de mettre un terme hier à une expérience démocratique suivie avec intérêt par l'Afrique. Le président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et son Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf, ont été arrêtés hier matin par la garde présidentielle aux sièges de la présidence et de la chefferie du gouvernement. «Des membres de la garde présidentielle ont arrêté le président à sa résidence, et le Premier ministre à son bureau, ils ont coupé les téléphones de la Présidence, et confisqué tous les téléphones de la première Dame», a précisé le porte-parole de la présidence. «Cela s'est fait sans violence pour la bonne raison que ce sont des éléments putschistes qui assuraient la sécurité du président», a-t-il encore expliqué. Ce coup d'Etat est le quatrième en Mauritanie depuis l'indépendance du pays en 1960. Le dernier en date a été commis en mai 2005 par un Comité militaire pour la Justice et la Démocratie (Cmjd, conduit par le colonel Ely Ould Mohamed Vall) qui destitua le président Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya, lui même arrivé à la tête de l'Etat après un coup de force commis en 1984. Le quatrième coup d'Etat a eu lieu en 1978. Le coup de force militaire qui a mis fin hier à une expérience démocratique inédite en Afrique - débutée en 2007 après les élections législatives et présidentielle après une transition réussie - a surpris tout le monde, même si la situation au plan politique n'était plus à la sérénité et s'est gravement détériorée depuis une quinzaine de jours, suite au bras de fer opposant le Parlement au président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ce dernier est notamment accusé par l'opposition d'avoir empêché le Parlement de se réunir en session extraordinaire «qui devait traiter de questions importantes pour l'avenir du pays» indique un porte-parole des parlementaires qui ont ouvert la fronde contre le président. Alors que la situation politique s'est encore compliquée lundi après la démission collective de 25 députés et 23 sénateurs appartenant au Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD), la formation présidentielle (au pouvoir), le président Abdallahi a pris hier des décisions d'ordre militaire, qui ont provoqué, semble-t-il, la goutte qui a fait déborder le vase. Ainsi, les deux auteurs du putsch, les généraux Ould Cheikh Mohamed Ahmed et Mohamed Ould Abdel Aziz - deux membres du Conseil militaire qui avait conduit de 2005 à 2007 la transition démocratique en Mauritanie - ont été remplacés hier par les colonels Abdarrahmane Ould Boubacar et Mohamed Ahmed Ould Ismail respectivement nommés chef d'état-major de l'armée et chef d'état-major particulier du président mauritanien, à la place des généraux limogés. La réplique de ceux-ci a été rapide et foudroyante qui ont immédiatement, à leur tour, démis le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi en l'arrêtant en même temps que le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf. Les auteurs du coup d'Etat se sont organisés hier en «Conseil d'Etat» dirigé par le général Mohamed Ould Abdel Aliz, et ont annulé les dernières nominations au sein de l'armée décidées dans la matinée d'hier par le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, selon un communiqué du ministre de la Communication. Le texte lu par le ministre Abdellahi Salem Ould El Moualla à la télévision d'Etat indique que le décret sur les nominations présidentielles est «nul et sans effet». Aucune précision n'a été donnée sur la composition de ce «conseil d'Etat». De fait, le coup de force militaire intervient à un moment très difficile que traversait la jeune démocratie mauritanienne, tant du fait de l'inaptitude de certains dirigeants à maîtriser la nouvelle donne politique du pays, d'un président accusé de faire «cavalier» seul, que de l'impatience d'une armée tenue à l'écart des affaires. Tout cela semble s'être conjugué pour couper court au «modèle démocratique» mauritanien donné en exemple pour l'Afrique et le monde arabe. Cet énième coup de force qui assombrit un peu plus l'image de l'Afrique, a été vivement condamné, hier, par l'Union africaine, laquelle rappelle-t-on, ne reconnaît aucun pouvoir pris par la force conformément à une résolution du Sommet de l'OUA qui s'est tenu à Alger en juillet 1999. L'Union africaine (UA) a ainsi condamné, hier, le «coup d'Etat» en Mauritanie et «exige le rétablissement de la légalité constitutionnelle» dans ce pays, indique-t-elle dans un communiqué. «L'Union africaine, qui, en collaboration avec ses partenaires au sein de la communauté internationale, a fortement accompagné le processus de retour à l'ordre constitutionnel et appuyé la transition remarquable qui a conduit à la mise en place d'institutions démocratiques en Mauritanie en mai 2007, condamne ce coup d'Etat et exige le rétablissement de la légalité constitutionnelle», indique encore le communiqué. De son côté l'Union européenne (UE) condamne le putsch et avertit: «Cette situation risque de remettre en question notre politique de coopération avec la Mauritanie dans le cadre de laquelle nous venons de finaliser avec le gouvernement mauritanien un programme d'appui de 156 millions d'euros pour la période 2008-2013 en complément de l'assistance déjà en cours», a déclaré le commissaire européen, Louis Michel. Celui-ci a par ailleurs «condamné fermement cette action militaire et appelé au respect de la démocratie et du cadre institutionnel légal mis en place depuis 2007 en Mauritanie» a-t-on indiqué hier à Bruxelles.