La crise politique que traverse la Mauritanie depuis la fin du mois de juin, période durant laquelle le pays a commencé à plonger dans une situation tendue au sommet du pouvoir, reflétée par une bataille entre l'exécutif et le législatif, a dégénéré en un autre coup d'Etat dans le calme total où aucun coup de feu ni barrage n'a été signalés. En effet, le président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, et son Premier ministre, Yahya Ould Ahmed Waghf, ont été arrêtés, hier, par des militaires lors d'un coup d'Etat. Un coup dur pour le processus démocratique en Mauritanie enclenché depuis 2007. Le groupe de généraux qui a arrêté le président et le Premier ministre, s'est organisé en «conseil d'Etat». La radio et la télévision ont cessé d'émettre. A la tête des putschistes, figure l'ex-chef de la garde présidentielle qui fait partie du groupe de responsables militaires limogés mercredi, par le président mauritanien, quelques heures avant le coup d'Etat. Ce décret présidentiel officialisait quatre nominations à la tête de l'état-major de l'armée, de la gendarmerie, de la garde nationale et de l'état-major particulier de la présidence. L'annulation de ces changements de hiérarchie a été la première décision des généraux putschistes, qui se sont réunis en «conseil d'Etat» dirigé par le meneur du putsch, le général Mohamed Ould Abdel Aliz. L'ex-chef de la garde présidentielle n'en est pas à son premier coup d'Etat. Le général était déjà derrière le putsch du 3 août 2005 qui avait renversé sans verser une goutte de sang le président mauritanien d'alors, Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya. Par ailleurs, il faut savoir que le bras de fer entre le président et le Parlement, a débuté quand le Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD), le parti au pouvoir, a déposé une motion de censure contre le gouvernement, le lundi dernier. Les députés frondeurs, membres du parti au pouvoir, soutenus par un parti d'opposition, sont bien décidés à aller jusqu'au bout. Le président mauritanien n'a pas l'intention de laisser tomber le gouvernement, a menacé de dissoudre le Parlement. Il ripostait ainsi à la motion de censure, la première depuis l'indépendance du pays en 1960. Les députés frondeurs reprochent notamment au gouvernement ses échecs sur les plans de la politique économique et sociale. Autres réclamations des membres du PNDD, en proie à une crise interne des postes stratégiques de l'équipe gouvernante ont été attribuées à des anciens du régime de Maaouiya Ould Taya (renversé en 2005), et le gouvernement de Yahya Ould Ahmed Waghf s'est ouvert à l'Union des forces du progrès (centriste) et Tawassoul (islamistes), deux formations d'opposition peu représentées à l'Assemblée. Ce bras de fer a conduit à la démission d'une cinquantaine de parlementaires mauritaniens soit la majorité des deux chambres. Il est important de signaler que dans son écrasante majorité, le groupe de députés et sénateurs démissionnaires est constitué d'anciens partisans du régime de Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya (renversé le 3 août 2005). Cependant, le changement à la tête de l'armée aurait mis le feu aux poudres. Le décret présidentiel qui avait annoncé le limogeage de quatre officiers supérieurs mauritaniens, y compris le chef d'état-major des armées le général Mohamed Ould Ghazaouni et le chef de cabinet militaire du chef de l'Etat, le général Mohamed Ould Abdel Aziz. deux membres du conseil militaire de transition qui avaient conduit de 2005 à 2007 la transition démocratique en Mauritanie accusés d'être derrière la fronde des députés et sénateurs qui ont claqué la porte du parti au pouvoir lundi. Ces généraux étaient remplacés respectivement par les colonels Abderrahman Boubakar et Mohamed Ould Ismail. Pour rappel, le 3 août 2005, un coup d'Etat renversait le président mauritanien Maaouiya Ould Sid' Ahmed Taya, porté au pouvoir par un coup d'Etat, en décembre 1984, alors qu'il revenait des obsèques du roi Fahd, en Arabie saoudite. Affirmant vouloir mettre fin à une dérive totalitaire et instaurer une véritable démocratie, les dix-sept putschistes du Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) ont annoncé leur intention de ne pas rester au pouvoir plus de deux ans. Ils ont mis en place, le 7 août, un gouvernement provisoire constitué de civils. Le nouveau régime a dissous le Parlement et s'est engagé à conduire une transition devant déboucher sur des élections démocratiques et ouvertes à toutes les sensibilités politiques. A noter également que depuis la chute du premier président mauritanien après l'indépendance, Mokhtar Ould Daddah, renversé par un coup d'Etat militaire en 1978, l'accession au pouvoir s'est toujours faite par les armes à Nouakchott, à l'exception de l'épisode Ould Cheikh Abdallahi qui était venu au pouvoir par les urnes à l'issue de la période de transition militaire du colonel Ould Vall.