Ces organisations prennent une place indéniable dans le tissu social de la région. Le phénomène a pris une envergure nationale. De toutes les régions d'Algérie, la presse fait état de tentatives de retour aux codes juridiques du droit coutumier ayant mis à mal l'administration et le système judiciaire algériens. Dans la région des Aurès, c'est un manuel de droit coutumier, élaboré par les sages des tribus qui a fait l'actualité de tout l'été. Dans la région du M'zab, les conflits récurrents reflètent, à chaque occasion, le déficit de prédominance du mode électoral sur les structures et usages traditionnels. En Kabylie, ce sont des centaines de comités de villages qui représentent les citoyens. Agréés juridiquement comme des associations type loi 90-31 régissant l'activité des associations, ces derniers ont fonctionné avec le droit coutumier kabyle. La gestion des villages est régie par les lois ancestrales et le recours aux ex-communications dans les délits les plus graves. Les choses auraient été des plus normales si une autre donne n'était pas rentrée en jeu. Elle est plus que jamais d'actualité car elle devient de plus en plus un phénomène de société. Les citoyens font plus confiance à ces structures qu'aux élus communaux et de wilaya voire même au système judiciaire national. Les lenteurs et le montant élevés des procédures juridiques ont amené les citoyens à recourir au droit coutumier pour solutionner les conflits. Les événements de Khenchela ont vu un comité des sages entrer en prise avec les représentants du système judiciaire pour avoir élaboré un manuel de droit coutumier. Cet événement a alimenté, rappelons-le, les colonnes de la presse nationale. Les événements confirment cette tendance. De multiples problèmes vécus par les citoyens sont restés suspendus jusqu'au moment où des incidents ont émaillé beaucoup de communes. A présent, les citoyens organisés dans ces structures villageoises s'adressent de moins en moins aux élus. Au niveau du siège de la wilaya, les services sont directement sollicités par les citoyens. Au niveau local, ce sont les chefs de daïra qui sont sollicités pour trouver des solutions aux problèmes d'électricité, d'eau potable et de revêtement des routes. Le passage par les élus se trouve désormais infructueux. Dans les villages, les collectivités sont régies par les lois du droit coutumier tandis que pour les problèmes des citoyens, ce sont les commis de l'Etat qui sont directement saisis comme le wali, le chef de daïra et les directeurs des administrations. Ainsi, les élus locaux sont ignorés par ceux qui les ont élus. Certains élus, interrogés sur ce phénomène, ne nient pas son existence mais s'accordent tous à justifier ce fait par le statut des élus. Le Code communal semble être la cause car, selon ces derniers, il les démunit de beaucoup de prérogatives. Un autre point soulevé par ces mêmes élus a trait à la formation. La gestion des collectivités locales n'est pas aisée mais elle doit plutôt être confiée à des gens qui ont des formations conséquentes. En tout état de cause, les citoyens semblent se détourner de plus en plus des élus et évitent de plus en plus le recours au système judiciaire national pour ses lenteurs. Et ce phénomène prend de l'ampleur. Dans certains cas, ces différentes structures de représentativité moderne se heurtent aux structures ancestrales pour accoucher de situations conflictuelles dangereuses. Certains élus pensent qu'il est plus que jamais temps de réfléchir à une conciliation du peuple avec ses structures représentatives. La gestion démocratique de la cité moderne ne peut-elle pas tirer leçon des expériences ancestrales que certains considèrent, par ignorance, comme désuètes?