Englué en Afghanistan, Washington recherche une nouvelle stratégie régionale pour l'Asie du Sud-Est afin de sortir de l'impasse où l'administration sortante a mis les Etats-Unis. En tendant la main à l'Iran, le président américain Barack Obama avait certainement à l'esprit la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan, où Téhéran pourrait jouer un rôle positif, selon des analystes. Après l'initiative sans précédent de M.Obama qui s'est adressé directement à eux en leur offrant de surmonter trente années de conflit, les dirigeants iraniens «n'ont pas d'autre choix» que de participer à la conférence internationale sur l'Afghanistan prévue fin mars à La Haye, a estimé Karim Sadjapour, du Carnegie Endowment for International Peace. «S'ils refusent, il sera clair qu'ils ne sont pas vraiment déterminés à imposer la paix et la stabilité en Afghanistan», a précisé cet expert de l'Iran. Téhéran entretient des liens étroits avec son voisin afghan, notamment avec ses populations chiites, mais était en revanche opposé au régime extrémiste sunnite des taliban (1996-2001). L'Iran subit par ailleurs les conséquences de l'énorme production afghane d'opium, qui alimente son marché de la drogue. L'Iran et les Etats-Unis, qui n'entretiennent pas de relations diplomatiques depuis près de 30 ans, ont déjà coopéré en Afghanistan après le 11-Septembre. Une collaboration interrompue en 2003, lorsque le président George W.Bush avait placé l'Iran sur son «Axe du Mal». Après sept ans de guerre en Afghanistan sans perspective de paix, la nouvelle administration américaine souhaite relancer cette coopération, mais reste pour l'instant vague sur ses attentes envers Téhéran. Pour Karim Sadjapour, Téhéran pourrait notamment se voir demander d'ouvrir son espace aérien et terrestre au transport de marchandises vers l'Afghanistan. «En gros, ils coopèreraient avec les Etats-Unis et l'Otan pour aider à reconstruire l'Afghanistan», a-t-il expliqué, mentionnant notamment le port iranien de Chabahar, sur l'océan Indien, non loin de la frontière pakistanaise. Les Iraniens avaient «discrètement» laissé l'Otan utiliser leur espace aérien au début de l'offensive contre les taliban, a-t-il rappelé. Un haut responsable du département d'Etat a confirmé que Washington serait intéressé par un accès à une route stratégique par le territoire iranien, déjà utilisée par certains alliés de Téhéran. L'Inde a construit une route entre la ville afghane de Delaram et Zaranj, à la frontière irano-afghane, pour acheminer son aide à l'Afghanistan via l'Iran, ce qui lui permet d'éviter le Pakistan, son frère ennemi. Or l'Iran a signalé récemment que «certains pays de l'Otan pourraient eux aussi emprunter cette route», a expliqué à ce responsable ayant requis l'anonymat, refusant d'évoquer les autres coopérations possibles tant que M.Obama n'a pas annoncé sa stratégie. Hillary Mann Leverett, une ancienne diplomate américaine qui a participé aux négociations avec Téhéran entre 2001 et 2003, prévient qu'une coopération avec l'Iran en Afghanistan devra faire partie d'une stratégie de rapprochement sur tous les fronts, sinon les accords tactiques risquent de capoter pour des raisons de politique interne d'une part ou de l'autre. «Il nous faut un accord stratégique élargi avec les Iraniens, du genre de l'approche de Nixon et Kissinger sur le rapprochement fondamental avec la Chine dans les années 70», déclarait-elle récemment au centre de recherche Council on Foreign Relations.