En 100 jours à la Maison Blanche, Barack Obama a fait éclater tous les carcans de la politique étrangère américaine hérités de huit ans de mandat Bush. De Cuba à l'Iran en passant par l'Europe et la Russie, le président ouvre tous les dossiers, tout en tentant de sortir son pays de sa pire crise économique depuis la Grande dépression des années 1930. L'ancien chef de la diplomatie Henry Kissinger salue l'audace de ce "vaste agenda diplomatique" et estime dans un billet publié récemment par le "Washington Post" qu'il existe "une possibilité de solutions globales sans précédent". "C'est un pari risqué", souligne de son côté Chris Dolan, politologue au Lebanon Valley College d'Annville, en Pennsylvanie. "C'est une stratégie coordonnée et sélective, qui consiste à améliorer l'image des Etats-Unis et faire preuve d'humilité, en misant sur davantage de coopération du reste du monde en retour", analyse-t-il. Le catalogue des chantiers de politique étrangère ouverts par Barack Obama est déjà impressionnant. En trois mois, le président a fixé une date de fin -2011- à l'implication américaine dans la guerre en Irak; promis des milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan pour lutter contre la résurgence des talibans et d'Al-Qaïda; nommé un envoyé spécial au Proche-Orient et invité les dirigeants israéliens, palestiniens et égyptiens à la Maison Blanche pour des discussions séparées sur le processus de paix; il a nommé un négociateur américain pour participer directement aux négociations sur le nucléaire iranien, aux côtés des Européens. Il a assoupli les conditions de séjour et de transfert d'argent à Cuba pour les Américains d'origine cubaine, et tendu la main au régime castriste si ce dernier fait un geste pour les prisonniers politiques; serré la main du président vénézuélien socialiste Hugo Chavez, bête noire des années Bush; désolidarisé la lutte pour les droits de l'Homme en Chine des autres questions dans les relations bilatérales entre Washington et Pékin; critiqué la Corée du Nord pour un essai présumé de missile balistique à longue portée, tout en tentant de ramener Pyongyang à la table des négociations sur sa dénucléarisation; cherché l'apaisement avec la Russie en rouvrant les pourparlers sur le traité STARTII de réduction de l'arsenal nucléaire. Il a effectué deux grandes tournées en Europe et en Amérique latine pour effacer l'image d'une Amérique arrogante; reconnu que la crise économique mondiale découlait, pour partie du moins, des excès financiers et économiques des Etats-Unis; ordonné la fermeture sous un an de la prison de Guantanamo pour terroristes présumés à Cuba et mis fin aux interrogatoires musclés assimilables à de la torture; publié les notes du ministère de la Justice qui, sous George Bush, ont servi à couvrir les pratiques d'interrogatoire controversées; il n'a pas exclu une enquête de la Justice sur les auteurs de ces notes juridiques. Autant de gestes perçus comme une rupture radicale -souvent appréciée- à l'étranger, mais qui n'ont guère ému aux Etats-Unis même. Est-ce parce que l'opinion publique américaine était en avance sur ses dirigeants et estimait, comme Barack Obama, que l'image du pays à l'étranger avait bien besoin d'être redorée, surtout après huit ans de présidence Bush? Les détracteurs potentiels sont-ils dépassés par le tourbillon du nouveau chef de la Maison Blanche? Ou les Américains ont-ils trop absorbés par la crise économique et leurs difficultés personnelles pour s'intéresser à ce qui se passe au-delà de leurs frontières? Quelle que soit la raison, Barack Obama a revêtu les habits d'"un grand stratège" et "l'éventail de son action excède largement les attentes", estime Andrea Hatcher, politologue à l'University du Sud de Sewanee, dans le Tennessee. Mais attention, prévient encore Henry Kissinger: un vaste agenda diplomatique, c'est bien beau, encore faut-il en venir à bout. R.I