Dès que le microbus s'immobilise, un premier terroriste se met face au chauffeur dont il vise à quatre reprises la tête. Treize personnes assassinées, quatorze blessées dont trois transférées à la clinique infantile pour soins appropriés, un au service orthopédie et un dernier cas - jugé grave - retenu à la salle de réanimation. Tel est le premier bilan de l'attaque terroriste contre un bus de voyageurs à l'entrée des Eucalyptus, avant-hier, vendredi, vers 20h 45. Selon les témoignages recueillis aussi bien auprès des blessés que des riverains du domaine agricole qui jouxte l'arrêt de bus, les faits se sont passés comme suit: un microbus de type Asia venait de marquer le stop au niveau de l'arrêt de bus dit SNS - du nom de l'entreprise spécialisée en récupération de ferraille, qui a été dissoute et qui fait toujours face aux arrêts de bus à l'entrée des Eucalyptus. Le bus effectue la navette entre El-Harrach et Larbaâ. Ce soir-là, c'est pratiquement un bus bondé de jeunes qui reviennent de la plage. Au lieu dit arrêt SNS, 7 jeunes lèvent la main pour signifier au chauffeur de s'arrêter pour leur permettre de monter. A première vue, rien d'anormal. Des jeunes qui se battent pour rentrer chez eux. Rien de plus. Dès que le microbus s'immobilise, un premier terroriste se met face au chauffeur dont il vise à quatre reprises la tête. Quatre balles transpercent le pare-brise et tuent, sur le coup, le conducteur du bus. Le receveur ouvre la portière avant et se met à courir du côté de la route qui fait l'axe Alger-Eucalyptus. Il sera sauvé par ce geste aussi instinctif qu'audacieux. Les autres terroristes avaient déjà cerné le bus, et commençaient à tirer à bout portant. Certains étaient armés de kalachnikovs, mais c'est surtout avec les pistolets automatiques, 9 et 11 mm, que le groupe a accompli son assassinat. Méticuleusement, ces terroristes avaient visé la tête, le thorax ou le cou. Pour n'oublier personne, deux d'entre eux avaient pour mission d'achever les blessés. De l'extérieur, ils tirent sur ceux qui étaient affaissés sur les sièges. C'est ainsi que beaucoup de voyageurs ont été blessés aux membres inférieurs. Ceux qui ont sauté par les vitres, ont été rattrapés par deux terroristes, chargés de liquider à bout portant les fuyards. Toute cette boucherie ne dura pas plus de trois minutes. Le «contrat accompli», le groupe armé s'est scindé en deux. Le premier a pris la direction du marché de gros, le second a traversé les vergers du domaine agricole et a disparu dans la nature. Ce dernier chemin mène vers Bentalha, Benghazi et Aïn Naâdja. Selon les rescapés de la tuerie, les secours ont tardé à venir. «Vingt minutes au moins», disent les uns, «une bonne demi-heure», disent les autres. Quoi qu'il en soit, le retard mis par les secours a été fatal pour au moins trois personnes, nous a confié un médecin de l'hôpital Zmirli, où les blessés ont été évacués. «Ils avaient perdu tout leur sang et étaient arrivés à l'hôpital agonisants. On n'a rien pu faire pour eux. C'est malheureux...». Les habitants du domaine agricole, qui jouxte l'arrêt de bus, ont vu la scène de loin. Trois terroristes se sont enfuis en empruntant les jardins maraîchers et les vergers du domaine. M.Seddik, habitant le domaine, est sorti de chez lui muni de sa seule hache. Deux patriotes étaient armés, mais la rapidité de l'attentat «avait interdit toute riposte rapide», ont-ils confié. Hier, la tristesse, l'abattement et le choc se lisaient sur les visages des familles venues s'enquérir de l'état de santé d'un parent blessé, ou récupérer le corps d'un des leurs. «Que faisait la police, juste à côté? Et les gendarmes? Et les militaires, dont les brigades sont situées à quelques centaines de mètres des lieux de l'attentat?», s'égosillaient les , émues. Rappelons que les secours ont tardé à arriver, tout comme les services de sécurité à intervenir, bien qu'ils n'aient pas lésiné sur les moyens pour sauver les blessés, avant de procéder à un maillage des issues et à un ratissage des vergers environnants. Mais il était dit que les choses s'arrêteraient là. Comme se sont arrêtées les choses concernant d'autres carnages. Des assaillants prompts et dextres. Des secours tardifs. Des groupes armés qui arrivent encore à déjouer les maillages. Des morts, encore des morts à comptabiliser. A défaut d'engager une nouvelle forme de lutte antiterroriste.