Un voeu qu'on aimerait exaucer pour que le précurseur de cette cause puisse être présent parmi nous, afin qu'il partage le fruit d'un parcours militant pour lequel il s'est tant donné. Dda l' Mouloud Nath Mamar a été ressuscité mardi dernier, par les comédiens du Théâtre régional de Béjaïa sur les planches du Théâtre régional de Batna, et ce, dans le cadre du premier Festival national du théâtre amazigh, que tout le monde accueille à bras ouverts. Un voeu qu'on aimerait exaucer pour que le précurseur de cette cause puisse être présent parmi nous, afin qu'il partage le fruit d'un parcours militant pour lequel il s'est tant donné, et cela à travers la pièce inédite, Le Foehn, mise en scène par Djamel Abdelli. Toutefois, Le Foehn écrit dans sa première version en 1957 et réécrit de nouveau par ce maître de la littérature, ultérieurement pendant son exil en 1958, interroge non seulement l'histoire mais aborde l'aspect manichéen, voire philosophique de la vie. Pour rappel, la pièce a été déjà montée en français par le Théâtre national algérien en 1967. C'est ainsi que l'âme d' Amusnaw continue à planer sur la vie culturelle du pays telle une fée bienfaitrice. Cette fois-ci, c'est le Foehn qui souffle, comme l'indique son nom, comme un vent chaud, réchauffant les planches du théâtre de Batna, ce jour de neige et de froid, avec cette participation réussie du TR Béjaïa, et ce, au regard de l'accueil enthousiaste que lui a réservé le public, embarqué du tout début jusqu'à la fin. C'est une manière comme une autre de faire lire Mammeri, qui a pris au fil des années les allures d'un véritable rite, et, pour beaucoup, un moment très attendu pour rendre un nouvel hommage à celui qui fut l'un des plus grands érudits de la littérature algérienne. L'histoire se déroule en pleine Bataille d'Alger et met en scène un jeune résistant, arrêté au moment même où il s'apprêtait à commettre un attentat contre un officier de l'armée coloniale. Emprisonné, torturé, humilié, il finit «ses épreuves» auprès de sa cible manquée qui l'interrogera vainement afin de lui soutirer quelques aveux. Peine perdue. Tarik tint bon, bien que se sachant voué au peloton d'exécution. De guerre lasse, et au terme d'une parodie de procès, son bourreau finit en effet par donner l'ordre de le passer par les armes. La trame fort émouvante a surtout valu par la qualité du discours livré et par le truchement duquel autant Mouloud Mammeri que Djamel Abdelli interrogent non seulement l'histoire mais abordent l'aspect manichéen, voire philosophique de la vie. Récités, alternativement en kabyle et en français, les dialogues sont passés avec une fluidité étonnante et ont restitué, dans un décor pourtant loin de l'ambiance des tranchées ou des casernes, toute l'ampleur et la force du drame qui se jouait. En fait, face à l'amplitude de la révolution qui a soufflé comme un foehn, ce vent du sud qui sévit principalement dans les Alpes en Suisse, le colonialisme a perdu le sens de la mesure. Il en est devenu fou, à l'image du procès mis en place pour juger Tarik et de la fin à laquelle a eu droit son bourreau...il en a tout simplement perdu la tête. Dda l'Mulud, une des figures intellectuelles, met en valeur «un ensemble illimité d'interactions de réalités», ce qui permet de dégager une figure à travers une histoire vécue. Le devoir de mémoire inscrit en effet les idées dans des oeuvres matériellement et intellectuellement identifiables. En fait, les réponses à la question de l'émergence de l'auteur semblent remonter toujours davantage la chronologie. Il y a plusieurs écrivains algériens, qui ont prouvé leur talent, dont les oeuvres sont interprétées par une de ces lignées humaines qui se sont construites, ici même, en Algérie. Il y a des auteurs qui sont construits de ça, qui construisent de ça et pour ça. Alors pourquoi ne pas mettre en valeur leurs oeuvres, adaptables pour le cinéma et le théâtre? Comme ce fut la cas avec Le Foehn de Mouloud Mammeri.