Mise en scène pour la première fois en 1967, le Foehn, de Mouloud Mammeri, revient quarante-trois ans après sur les planches du Théâtre national algérien grâce à l'adaptation par le Théâtre régional de Béjaïa qui lui donne ainsi une nouvelle naissance et un second souffle. Mais c'est compter sans les nombreux moments difficiles qui traversent la pièce. Dans le cadre de la Carte blanche sur les théâtres régionaux, qu'organise le Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, le Théâtre régional Abdelmalek-Bouguermouh de Béjaïa présente, cette semaine, cinq de ses dernières productions au public algérois. Parmi celles-ci, le Foehn, de Mouloud Mammeri. Mis en scène par Djamel Abdelli, le Foehn a été traduit à 30% vers le tamazight par Abdelaziz Hammachi et Boudjou Toufik s'est chargé de composer quelques poésies pour les parties destinées au chant qui agrémente la pièce. L'action de le Foehn se déroule à La Casbah d'Alger où évolue le jeune Tarik, qui est acteur dans la légendaire bataille d'Alger. Tarik est un fidaï qui s'apprête à commettre un attentat contre un commandant de l'armée coloniale. L'attentat déjoué, Tarik est arrêté et subit un interrogatoire dans le domicile du colon visé par cette opération. Torturé et intimidé, Tarik refuse d'ouvrir la bouche et de céder aux pressions du colon qui se coiffe d'une double casquette, maire et commandant des forces armées. Le jeune fidaï montre une bravoure et un sens de l'honneur si imposants qu'il réussit à gagner la sympathie de la fille du colon. La sentence tombe tel un couperet : Tarik est condamné à mort. Sans procès équitable, ce jeune fidaï, symbole de toute une génération emportée par un vent de liberté, est fusillé sous les yeux larmoyants et pleins de dignité de sa mère et sa sœur. Le Foehn développe la problématique de l'injustice, notamment celle de la guerre, où tous les acteurs sont pris dans un engrenage. La guerre, c'est comme une bombe sur le point d'exploser. Une fois enclenchée, l'être humain ne peut arrêter le détonateur, et il est en même temps capable des pires horreurs. Au-delà de la question de la spoliation de la terre et de la tyrannie, le Foehn s'intéresse à la violence qui se cache en chaque être humain. Le choix du titre par Dda Mouloud prend d'ailleurs tout son sens puisqu'il a expliqué que le foehn, “ce vent qui souffle du Sud vers les Alpes suisses et autrichiennes, possède, dit-on, la propriété de rendre violent”. La violence dans cette nouvelle mise en scène est pourtant contenue et la torture, thème d'actualité, a été rétrogradée au second plan. Il y a comme une envie de préserver le spectateur ; une manière de ménager sa sensibilité, pas tout à fait nécessaire. Le scénographe, Abderrahmane Zaâboubi, et contrairement au metteur en scène, a brillé par ses créations. Un décor en noir et blanc représentant un jeu d'échecs, qui rend compte de la dualité entre le bien et le mal. Le metteur en scène a choisi de mettre les comédiens sur le jeu d'échecs, symbole de guerre et de confrontation. Les scènes étaient entrecoupées par des chants profonds et magnifiquement interprétés par la cantatrice, Mounia Aït Meddour, même si parfois ceci altérait le rythme. Les comédiens, quant à eux, étaient nombreux mais pas toujours très convaincus. Les personnages pas du tout caractérisés, les problèmes de souffle et une certaine nonchalance dans les gestes ont troublé la compréhension. Le Foehn est une très belle pièce, mais ses problèmes techniques ont annihilé sa profondeur et dilué son propos.