Il y a ceux qui tiennent les murs et d'autres qui les escaladent. C'est principalement autour de ce sport appelé «Le Parcour» que ce jeune réalisateur a décidé de miser en réalisant son premier long métrage, Parcours sous influence. Car plus qu'un sport, c'est une philosophie de la vie qu'il entend nous transmettre via des images vives et une démarche hautement artistique. Normal, pour cet amoureux de la photo. Un film urbain, basé sur la recherche esthétique, mais non dénué d'un fond social incontestable autour de son pays... L'Expression: M.Lazhar Gatt, Vous préparez votre premier film Parcours sous influence, qui porte sur le parcours, un sport assez dynamique pour jeunes. Pourriez-vous en dire plus? Lazhar Gatt: Le parcour est un sport urbain qui est assez populaire chez les jeunes et qui est assez mal connu en Algérie. Je trouvais sa philosophie très intéressante. Le parcours permet de se réapproprier l'environnement, via les cités, l'escalier... C'est un sport qui est accessible à tout le monde. On a besoin d'aucun équipement. Juste de bons trainings. C'est un sport où il n'y a pratiquement aucune compétition. J'apprécie vraiment l'esprit qui y règne. C'est vraiment de l'émulation. Cela suscite un esprit de groupe. Je me suis dit que je vais faire un film là-dessus car, en plus, cinématographiquement parlant, c'est assez spectaculaire. Il fera peut-être l'objet de plusieurs lectures. Il sera peut-être un film de divertissement pour les plus jeunes et une réflexion sur les jeunes dans la société et les différents problèmes qu'ils peuvent rencontrer pour les moins jeunes. Ce film a été annoncé il y a plus d'un an. Pourquoi ce retard accusé dans le tournage? En fait, il y a eu une première production et puis un passage à une deuxième. C'est ce qui a causé pas mal de retard. Je préfère ne pas trop m'étaler sur la question. Je me suis rendu compte qu'en Algérie on est vite amené à faire plusieurs choses et j'ai beaucoup de mal à ne plus m'occuper de la production et me concentrer plus sur la mise en scène, regarder des films cultes, essayer de voir les nouvelles technologies quant à la façon de filmer au niveau du montage etc. J'essaie vraiment de me débarrasser de tout ce qui est administration, production, autorisation de tournage. C'est une coproduction franco-algérienne. Je leur fais confiance quant au déroulement de toutes ces procédures. Quel genre de films cultes regardez-vous et dans quel but? Des films qui n'ont aucun rapport avec le parcour, tels que Apocalypse Now, Citizen Kane, Les Sept Samouraïs, Douze hommes en colère, ce genre de films. Pourquoi? parce qu'ils sont des oeuvres d'art, des films qui ont été des précurseurs dans leur domaine. Ils ont imposé une certaine grammaire cinématographique qui, pour moi, n'a jamais été égalée jusque-là. Il y eut beaucoup de variantes à partir de ces films-là, mais pas beaucoup de choses nouvelles en fait. Je ne connaissais pas un autre film aussi bien construit que Citizen Kane, Douze hommes en colère, cela se passe tout le temps à huis clos et on n'est pas ennuyé une seule seconde, cela montre vraiment l'importance de l'histoire qui est pour moi très primordiale dans un film. Ce sont des films qui nourrissent votre imaginaire cinématographique ou qui répondent à un besoin de démarche artistique quant à votre prochain film? On n'a pas eu la chance d'avoir des professeurs qui vous transmettent une passion et qui vous guident vers telle ou telle méthode. Pour moi, ces films sont un peu mes professeurs. Et c'est très important de connaître cette grammaire cinématographique quitte à la transgresser après. Ces films-là sont des cours ouverts, à tout le monde. Ce sera votre premier long métrage avant un passé consacré à la photo. Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours? Comment êtes-vous venu au cinéma? Effectivement, je viens du do-maine de la photo. Ma première formation a été la photo journalistique. Je rêvais d'être photographe de guerre un peu comme Cartier, Bresson, Robert Capa, Raymond Depardon et James Nachtwey. Malheureusement, mon chemin a bifurqué vers quelque chose qui n'a rien à voir, c'est-à-dire la publicité et la mode, qui après coup, m'ont beaucoup appris puisque de toute façon, ça vous apprend l'esthétisme, autrement le cadre, la lumière. Je me suis retrouvé aux USA à travailler comme assistant dans un studio photo, où beaucoup de gens venaient l'utiliser pour faire leurs courts métrages. C'est là où j'ai fait le lien. C'était une bouffée d'air frais, puisque ce qui me frustrait un peu dans la pub et la mode, est que souvent, tout est esthétique et j'avais vraiment besoin de raconter une histoire et d'utiliser la musique aussi. Je me suis dit qu'au cinéma, je pouvais mettre à profit mon expérience en tant que photographe puisque dans les écoles de cinéma de l'Est, en Pologne, et je crois en Russie, ce qu'on apprend avant de faire du cinéma, c'est la photo. Ce sont les mêmes règles qui servent pour le cinéma. J'ai pu mettre à profit tout cet enseignement pour développer une histoire et je me suis tourné vers l'Algérie puisque c'est un pays que je n'ai jamais voulu quitter, mais j'y étais obligé. C'est pour moi l'occasion d'y revenir et de raconter des histoires. J'ai fait donc un court métrage. Je voulais tester ce qu'on me disait, le fait qu'il n'y ait pas de techniciens en Algérie, que c'était compliqué, j'ai écrit une petite histoire que j'ai tournée. J'étais agréablement surpris par la qualité des techniciens, leur débrouillardise qui sont primordiaux pour moi, puisque on ne résout pas tout par l'argent. J'ai donc fait un court métrage à Alger et un autre à Paris. Parcours sous influence est un film autour de ce sport, mais son fond va au-delà du sport, pourriez-vous nous en parler? En fait, c'est un film un peu comme Rocky par exemple qui n'est pas un film sur la boxe. C'est un film d'amour. C'est comme Million dollar baby. Mon envie est de déplacer l'épicentre de dramaturgie, du sport vers les personnages. Il y a certes des scènes de sport, d'actions spectaculaires dans Alger où toute la ville est mise en scène puisqu'on va filmer dans différents quartiers, avec leur architecture, escaliers, et lumières, tout type de bruit, genre ambulance, klaxon. La ville sera un personnage à part entière, mais cela ne sera jamais filmé à la manière du film Banlieue 13 où c'est le sport qui est mis en avant. Le film porte sur le parcours d'un jeune Algérien, adepte de ce sport et qui veut ouvrir une salle de sport afin de s'entraîner et cherche d'autres jeunes afin de développer ce sport. Il sera confronté à plusieurs difficultés qu'on ne peut imaginer. On découvrira aussi la cellule familiale de ce jeune. Il a une soeur et une mère, mais le père est absent. En face de lui, il y aura une autre famille, etc. Vous avez assisté récemment à Sétif, à un journée dédiée au Parcour. Oui, cela s'appelait le Parcour Day, qui a consisté en un rassemblement de toutes les équipes des traceurs algériens, ceux qui font ce sport. Il y avait je crois huit wilayas représentées. C'était vraiment trois jours très intense, de fraternité, d'émulation et j'ai remarqué que souvent, il y avait des petits garçons qui regardaient, bouche bée, et je sais que pour capter l'attention d'un enfant, il faut vraiment y aller... Dans ce film, il y a un petit garçon, le frère de celui qui s'adonne à la drogue, et il va faire ce sport avec l'autre. De là, naîtra une rivalité entre les deux. Avez-vous fait appel à des traceurs professionnels algériens ou étrangers? C'est un film algérien, donc en langue algérienne. Le personnage principal est algérien, je l'ai trouvé. Le problème qui se posait était de se dire, est- ce qu'on prend un vrai comédien algérien et on fait des doublures ou on fait appel à un traceur et le former à la comédie? On a réussi à trouver un traceur qui a l'habitude des caméras, car il a déjà travaillé dans des pubs. C'est un travail de longue haleine, mais très prometteur. Le tournage du film est prévu pour la fin de l'année. La lumière d'hiver me convient très bien.