Interpellé par des militants musulmans de son parti, qui se sont sentis stigmatisés par les dernières mesures sécuritaires prises par le président français, François Fillon a pris ses jambes à son cou. «On a traité pendant 30 ans mon père de sale arabe, moi depuis 5 ans, je suis un sale musulman, et demain qu'est-ce qu'on dira à mon fils?», a déclaré sur le site de Marsactu (quotidien marseillais d'information), Mourad Goual, le chef de file du collectif qui s'est constitué en vue de rencontrer le Premier ministre français. François Fillon n'a pas eu le courage d'affronter les militants de l'UMP de confession musulmane. Ils étaient plus d'une centaine à l'avoir apostrophé samedi dernier à l'occasion de la fête départementale de l'UMP des Bouches-du-Rhône qui s'est tenue au domaine de Méjanes près des Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue. «Aujourd'hui, on est venu pacifiquement vous montrer que les musulmans de France ne sont pas responsables de l'insécurité comme on le laisse dire au sein du gouvernement», a lancé, sur les ondes de RTL, une militante, en direction de François Fillon qui était «intouchable». La tentative des manifestants qui brandissaient leurs cartes, pour tenter de l'approcher et de lui arracher une explication à leur questionnement sur la politique sécuritaire du gouvernement, est restée vaine. «François Fillon s'est, lui, éclipsé de la fête par une issue de secours», a rapporté sur son site le quotidien Le Parisien. Il faut dire que sur la Canebière, le parti majoritaire est pris dans le tourbillon de la politique sécuritaire souhaitée par Sarkozy. Le ver est dans le fruit. Le 30 août 2010, Mourad Goual, adjoint UMP de la mairie du 5e secteur de Marseille, a déposé plainte contre le maire UMP des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône) pour «incitation à la haine raciale, propos diffamatoire, insultes publiques, propos injurieux». Le président socialiste de la Région Paca, Michel Vauzelle, lors d'un rassemblement le 26 août au Mémorial de la déportation des Roms par le régime de Vichy, s'est déclaré «frère des Gitans» et «président d'une Grande Région musulmane». «Les propos de Michel Vauzelle démontrent au moins une chose: il n'est pas l'ami de la sécurité que l'on doit aux Français, sans distinction aucune», lui a répondu à travers un communiqué, le premier magistrat des Saintes-Maries-de-la-Mer. M.Chassain affirme qu'«en résumé que les Gitans et les Arabes sont responsables de l'insécurité des Français», a estimé Mourad Goual qui compte bien faire payer ces dérapages à l'élu UMP. Un affrontement fratricide qui, pour le moins que l'on puisse dire, fait tanguer le bateau élyséen et met à mal sa politique en matière de sécurité, vertement tancée ces derniers jours par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, et tout récemment le Parlement européen. L'affaire de l'expulsion des Roms a pris une autre tournure depuis qu'une circulaire du ministère de l'Intérieur français, publiée par plusieurs médias, le 12 septembre, prouve que les Roms ont été particulièrement ciblés par la politique de démantèlement des camps illégaux orchestrée par Brice Hortefeux et le ministre de l'Immigration. Eric Besson a été pris en flagrant délit de mensonge. «La France n'a pris aucune mesure spécifique à l'encontre des Roms», avait-il souligné la semaine dernière, affirmant que les Roms n'avaient pas été spécialement visés. «Le traitement réservé à ces personnes n'a aucun lien avec leur appartenance réelle ou supposée à la communauté rom», a-t-il ajouté après la résolution adoptée par le Parlement européen. Or, la circulaire du département de l'intérieur, datée du 5 août 2010 précise que «300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms». Le texte somme, par ailleurs, les préfets d'engager dans leur département «une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux des Roms». Les ONG se sont élevées comme un seul homme pour dénoncer cette atteinte notoire aux droits humains caractérisée par une stigmatisation et une discrimination raciale avérées. Le Groupe d'information et de soutien des immigrés, prépare un recours devant le Conseil d'Etat et examine le document pour s'assurer qu'il constitue une infraction pénale. «Le président Nicolas Sarkozy a été le premier à désigner expressément les Roms. Cette circulaire traduit son discours politique», a fait remarquer le président du Gitsi, Stéphane Maugendre. L'eurodéputé socialiste Harlem Désir est sur la même longueur d'onde. L'ex-président de «Touche pas à mon pote» a saisi le président de la Commission européenne afin «d'engager une procédure d'infraction à l'encontre du gouvernement français pour que cessent le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms». Un tir groupé qui risque de prendre de l'ampleur alors que Nicolas Sarkozy patauge dans la gadoue.