Le président français recevait hier matin le Premier ministre François Fillon pour «faire le point» des conséquences de la débâcle des élections régionales. Le résultat est probant, le président français Nicolas Sarkozy ne pouvait que constater les dégâts et se préparer à un remaniement de son gouvernement, devenu incontournable au lendemain de la déroute lors des élections régionales. Les responsables de la droite sont unanimes, Sarkozy doit impérativement revoir sa stratégie. C'est dans cette perspective que le président français a reçu hier à l'Elysée son Premier ministre, François Fillon, afin de faire avec lui «le point» des conséquences de la sévère défaite de dimanche à la dernière consultation populaire avant la présidentielle de 2012. Un revers cuisant aura été le scrutin du 23 mars qui a vu la débâcle de tous les ministres engagés dans la bataille des régionales. Huit membres du gouvernement, têtes de liste, ont été ainsi balayés. Il y a eu de la casse. Il y a du grabuge dans l'air. Le Premier ministre, convoqué hier à l'Elysée, a pourtant mouillé sa chemise durant l'entre-deux tours pour mobiliser les électeurs. L'objectif était de limiter l'ampleur de la déroute à défaut d'un sursaut salvateur. L'UMP a finalement bu le calice jusqu'à la lie. Si l'Union pour la majorité présidentielle a eu comme maigre consolation d'avoir pu conserver l'Alsace et mettre dans son escarcelle La Réunion, la Corse, bastion traditionnel de la droite a, quant à elle, basculé à gauche. C'est la Berezina. «Nous n'avons pas su convaincre. Le rapport de force issu des régionales de 2004 reste globalement inchangé et cela constitue une déception pour la majorité. (...) La crise mondiale ne nous a pas facilité la tâche», a reconnu François Fillon dès que furent annoncées les premières estimations. Le constat est amer. Le Front national se lèche presque les babines. Jean-Marie Le Pen qui vient sans doute de livrer son ultime combat, a bel et bien flingué Sarkozy. Il est à plus de 20% dans la région PACA Et son parti est crédité d'une moyenne nationale de 10%. Le parti d'extrême droite qui s'est maintenu dans douze triangulaires n'a, semble-t-il, perdu aucun des électeurs que lui convoitait l'UMP. La baisse du taux d'abstention qui s'est améliorée de près de 5 points - elle est passée de 53,6% à 48,83% - lui aurait même profité. Les électeurs siphonnés au Front national en 2007, à l'occasion de l'élection présidentielle, ont apparemment regagné le bercail. Un hold-up que le leader du parti xénophobe avait en travers de la gorge. Il a mis un point d'honneur afin que cela ne se reproduise pas. La source s'est tarie. L'UMP s'est retrouvée sans réserves au second tour, malgré une campagne qui s'est déroulée sur fond d'un débat controversé sur l'identité nationale et de la stigmatisation de la communauté musulmane. Des thèmes qui ont traditionnellement fait le fonds de commerce du parti de Jean-Marie Le Pen. Nicolas Sarkozy les avait repris à son compte en espérant rééditer le même coup que lors de l'élection qui l'a porté au palais de l'Elysée. Il a, du coup, mis les pieds à l'étrier au FN. Ni les débats sur le port de la burqa ou celui sur les tests ADN et le regroupement familial n'ont permis à la mayonnaise de prendre. Bien au contraire, euphoriques et un tantinet arrogants, certains de ses ministres n'ont pu échapper à des dérapages condamnés et qualifiés de racistes. Deux d'entre eux resteront longtemps dans les mémoires. Ils marqueront le quinquennat du président de la République française comme sont restées dans les annales «les odeurs africaines» de Jacques Chirac. Le 5 septembre 2009, lors de l'université d'été de l'UMP qui s'est déroulée à Seignosse dans les Landes, le ministre français de l'Intérieur s'est gaussé de l'origine arabe d'un militant de son propre parti. «Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes», avait dit Brice Hortefeux à propos du jeune homme qu'on venait de lui présenter. Trois mois après, le 14 décembre, dans la petite ville de Charme dans les Vosges, c'est au tour de la secrétaire d'Etat à la Famille de lui emboîter le pas. «On ne fait pas le procès d'un jeune musulman. Sa situation, moi je la respecte. Ce que je veux, c'est qu'il se sente français lorsqu'il est français. Ce que je veux, c'est qu'il aime la France, c'est qu'il trouve un travail et qu'il ne parle pas le verlan. C'est qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers», avait déclaré Nadine Morano qui était interrogée sur la compatibilité entre la religion musulmane et l'identité nationale qui a investi la sphère du religieux. Un regain notoire d'islamophobie n'a pas tardé à se manifester. Profanations de tombes de soldats musulmans, à Albin-Saint Nazaire dans le Pas-de-Calais, Notre Dame de Lorette près d'Arras, la mosquée de Castres...puis vint le vote suisse sur l'interdiction des minarets. Un débat qui a fait tache d'huile et qui s'est installé en France. Le Front national en a saisi l'opportunité. Sa campagne des régionales avait pour slogan «Non à l'islamisme». Son affiche a été un plagiat de celle du référendum suisse: une femme en burqa et le drapeau algérien recouvrant une carte de l'Hexagone transpercée par une demi-douzaine de minarets. Jean-Marie Le Pen venait d'enfoncer le clou et déborder Sarkozy pour se positionner pratiquement en arbitre dans cette élection qui, quoi qu'on en dise, annonce la couleur pour 2012. Le Front national renaît de la cuisse de l'UMP et prend sa revanche sur 2007. La déroute historique du parti de la majorité présidentielle met le Parti socialiste, grand vainqueur de cette élection, en pole position pour la présidentielle de 2012. Il est fort à parier que Nicolas Sarkozy aura du mal à s'en remettre.