35 à 65% des revenus des citoyens arabes pauvres sont consacrés à l'achat de la nourriture. Pour atteindre la sécurité alimentaire telle que définie, notamment en 1996 à Rome par le Sommet mondial de l'alimentation, quatre dimensions essentielles sous-tendent cette démarche dont la disponibilité des denrées alimentaires, l'utilisation de la nourriture et enfin la stabilité, c'est-à-dire la mise à disposition de cette sécurité à tout moment. Hélas, ces paramètres sont loin d'être atteints par les pays arabes. C'est ce qui ressort en filigrane d'une conférence-débat tenue hier à Alger organisée conjointement par l'Union nationale des agronomes (UNA) et le quotidien El Moudjahid sur le thème «La sécurité alimentaire: un défi stratégique pour les pays arabes». Les conférenciers, qui se sont succédé à la tribune, ont tour à tour développé les différentes options pour aboutir à une synergie d'actions à même de relever ce défi et se soustraire ainsi à la dépendance des marchés mondiaux des céréales.Ainsi, Yahia Zane, président de l'UNA, a fait apparaître dans son exposé que les Etats arabes, premiers importateurs de céréales dans le monde et qui importent au moins 50% des calories qu'ils consomment, sont les plus exposés aux dangereuses fluctuations des prix des produits agricoles. Leur vulnérabilité risque de s'aggraver face à leur forte croissance démographique, à la faiblesse de leur productivité agricole et à leur dépendance à l'égard des marchés mondiaux, a souligné Zane. De graves interrogations en matière de sécurité alimentaire, malnutrition et progression de la pauvreté, se sont en effet posées, dit-il. La forte hausse des prix des produits de base agricoles et des denrées alimentaires intervenues en 2007 et au premier semestre 2008, a provoqué un «choc» dans le monde entier. Des soins vigilants sont requis pour que la planète ne revive pas à l'avenir de pareils scénarios. «La dépendance des pays arabes à l'égard des importations (de denrées alimentaires) va progresser de près de 64% au cours des vingt prochaines années», prévient Zane. Face à cette menace, les Etats arabes doivent dès lors se mobiliser pour renforcer la sécurité alimentaire autour de trois stratégies déterminantes: le renforcement des filets de protection sociale, l'amélioration et l'accès aux services de planning familial et la promotion de l'éducation. Ces trois piliers ne vont pas sans un investissement conséquent dans la recherche agronomique et l'utilisation améliorée de l'eau (barrages, retenues collinaires, réseaux d'irrigation, stations dépuration...) D'ici 2050, l'eau renouvelable disponible passera à moins de 500 mètres cubes par habitant et les terres arables à 0,12 hectare par habitant. A ce propos, Abdelmalek Serraï, économiste et consultant international, a averti sur les risques de guerres de l'eau qui couvent entre Israël, la Palestine et la Jordanie ou encore entre l'Egypte et le Soudan, qualifiant cette arme de «redoutable et plus forte que les autres». Ces stratégies devront être accompagnées par l'amélioration des conditions de vie en milieu rural. Le récent choc alimentaire se traduit par quatre millions supplémentaires de personnes sous-alimentées dans les pays arabes. Le blé représente à lui seul près de 35% des calories qui y sont consommées quotidiennement. Le citoyen arabe pauvre consacre de 35% à 65% de son revenu pour subvenir à ses besoins alimentaires. Cette catégorie est particulièrement vulnérable aux chocs des prix des denrées alimentaires, soutient encore Zane. Des initiatives de recherche-développement doivent être engagées rapidement pour faire avancer la prochaine «révolution verte»? a estimé le représentant de l'UNA. Cette approche offre, dit-il, un cadre stratégique global et intégré pour l'amélioration de la sécurité alimentaire. Un retour de choc des prix comme celui de 2007/2008 contraindra les familles des différents pays arabes à mettre en balance le coût de l'éducation de leurs enfants ou des soins médicaux pour pouvoir assurer leur subsistance.