L'Université obéit, aujourd'hui, plus à une logique clientéliste qu'aux nécessités d'une démocratisation bien comprise. «L'Université algérienne est une véritable bombe à retardement, qui risque d'exploser à tout moment. Les larges mouvements de protestation, qui s'étendent et se généralisent, de plus en plus, à travers l'ensemble des universités et écoles en sont une parfaite illustration», a déclaré Saïd Khelil, enseignant à la faculté de médecine de Béjaïa. Et de poursuivre: «L'Université, qui devait être le lieu par excellence de la recherche fondamentale a été touchée, à son tour, par des processus de normalisation; elle reflète plutôt celle de la rue.» Selon lui, notre université est victime de mauvaises réformes, opérées à huis clos, sans la participation des différents acteurs concernés. Résultat: les objectifs quantitatifs ont été mis en avant au détriment des objectifs qualitatifs. D'où surgissent, aujourd'hui, les signes révélateurs de la «mauvaise santé» de l'Université algérienne. S'agissant des mouvements de grève, déclarés à travers les différentes écoles et universités, le Pr Saïd Khelil a souligné que cette situation renseigne sur l'éveil de la conscience estudiantine, qui veut reconquérir ses espaces d'action. «Ces mouvements révèlent la reprise de conscience des étudiants. Ils ont besoin de vivre leur temps; un temps caractérisé par de grands changements planétaires. Cela renseigne sur la maturité et la bonne santé de la masse estudiantine.» De son côté, l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdesselam Ali-Rachedi, a souligné que l'Université algérienne «obéit, aujourd'hui plus à une logique clientéliste et populiste qu'aux nécessités d'une démocratisation bien comprise de l'accès à l'enseignement supérieur». Selon lui, l'Université algérienne compte des licenciés et des ingénieurs fraîchement diplômés recrutés comme enseignants. La plupart d'entre eux, a-t-il assuré, furent titularisés dans le corps des assistants. Et à titre illustratif, il a indiqué que, à la fin des années 1980, «l'écrasante majorité des 14.000 enseignants était constituée d'assistants et de maîtres-assistants. En 1990, pas moins de 5000 enseignants n'étaient même pas titulaires du magistère. La grande majorité des 300 enseignants de rang magistral étaient médecins. On vit même apparaître des conseils scientifiques composés exclusivement d'assistants et de maîtres-assistants». Pour redonner à l'Université sa vocation universaliste, il a soutenu qu'une révision générale des programmes sera engagée dans chaque université. Et de poursuivre: «Il s'agira d'abord d'adapter les enseignements à l'évolution scientifique et technique, aux nécessités de l'économie de marché et aux besoins des entreprises. L'harmonisation se fera au niveau régional puis national.» Une telle démarche peut répondre, selon M.Abdesselam Ali-Rachedi, à un double objectif: mettre l'Université en conformité avec les exigences de la transition démocratique et former les compétences destinées à évoluer dans une économie de marché. Dans le même sillage, le Pr Abdelhamid Arab, enseignant à l'Université d'Alger, a noté, quant à lui, que le préalable à toute démocratisation de l'institution universitaire est le rétablissement des franchises universitaires. «La liberté d'expression sera garantie, l'Université encouragera la pensée critique et le libre débat» a-t-il tenu à préciser.