Deux ministres occupant des portefeuilles importants étaient en visite dans la région de Timiaouine: du jamais-vu pour la population depuis plus de 50 ans. Timiaouine, limite de la frontière algéro-malienne. Ni route ni infrastructure, juste une piste pour y accéder. Cette commune est complètement ignorée A 800 mètres d'altitude, l'image ne donne aucun signe de vie. A part deux tentes visibles d'en haut dans le désert, c'est le vide total. Sise à 150 km de Bordj Badji Mokhtar et à 1000 km d'Adrar, Timiaouine est plus proche du Mali. «Ici, nous sommes à la frontière avec le Mali», nous informe un membre de l'équipage militaire, à dix minutes de l'arrivée à la piste d'atterrissage. De prime abord, rien n'indique les limites de la frontière. Aucune plaque, ni le moindre repère. Les distances s'étendent sur des milliers de kilomètres. «Comment l'avez-vous identifiée?», lui demande-t-on. Assourdi par le bruit de l'hélico, il répond par un geste: «C'est le GPS». Puis, il signale l'atterrissage dans cinq minutes invitant les journalistes à se préparer. En scrutant le paysage par la fenêtre, un convoi de voitures de type 4x4, est déjà à l'accueil de la délégation officielle. Deux ministres importants sont en visite dans la région, à savoir celui de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia et Abdelmalek Sellal des Ressources en eau. Du jamais vu depuis plus de 50 ans. La visite prend l'allure d'un événement grandiose. Il était presque 15h, un soleil de plomb (+40°) insoutenable. Mais, cela n'a, en aucun cas, dissuadé les habitants. Regroupés au pied de la montagne Ahabab, ils ont réservé aux hôtes un accueil en couleur. Kheïma, chameaux et troupes du tindi étaient déjà au rendez-vous en ce lundi 11 avril. Des femmes, des vieux, des bambins attendaient depuis plusieurs heures sous une chaleur accablante. «Je suis ici depuis le matin pour connaître nos ministres», confie Fatima, lycéenne. «C'est un jour férié aujourd'hui», nous dit-elle sans quitter des yeux la délégation ministérielle. L'information a circulé comme une traînée de poudre. Même les nomades sont présents. Assis en rang en face de la kheïma, les habitants de la région guettent la moindre déclaration. L'attente est très forte ici. Privés par la nature et abandonnés par l'Etat Ils manquent de tout. Pas besoin de les interroger pour décoder le message. Leurs regards reflétent la misère et la mal-vie. Des gens qui vivent à l'état naturel. L'image nous donne l'impression d'être à l'intérieur d'un documentaire sur l'Afrique pauvre. «Nous n'avons rien ici», résume en préambule Ali, un vétérinaire rencontré sur place. Ce dernier exerce péniblement son métier sans le moindre matériel. «Je n'ai ni le cachet, ni le matériel nécessaires», se lamente-t-il le visage fatigué. Pire encore, ce vétérinaire n'a même pas de médicaments à fournir. «Il y a une seule pharmacie dans la région et elle est pratiquement vide», poursuit-il. En cas d'urgence, il faut se déplacer jusqu'à Adrar soit à 1000 km de là. «Nous n'avons rien eu comme avantage», se plaignaient hier les médecins rencontrés lors de l'inauguration du centre épidémiologique à Bordj Badji Mokhtar. Rassurés par la présence de la presse, le personnel n'a pas mis du temps pour exprimer sa déception. Ni logement de fonction, ni aucun autre avantage. De toutes les promesses faites par le ministre Ould Abbès ils n'ont vu que la prime est de 12.000 DA. Alors qu'ils s'attendaient à une prise en charge totale, les médecins qui ont choisi l'affectation au Sud se retrouvent piégés. «Nous regrettons d'avoir fait le déplacement», s'accordent-ils à dire.