Spectaculaire a été le geste du journaliste irakien Mountazer al-Zaïdi, 29 ans, de la chaîne satellitaire irakienne Al-Baghdadia (dont le siège se trouve au Caire). Inédite en effet a été cette forme de protestation, contre le chef du plus puissant pays du monde. D´aucuns ont apprécié, ou explicité, le jet des chaussures au visage du président américain, comme la forme la plus «achevée» de la liberté d´expression. A défaut de pouvoir le dire par des écrits, que personne n´aurait lu, le journaliste irakien a ainsi innové pour dire tout le mal qu´il pense des actions de violence des Etats-Unis dans son pays, contre son peuple. L´acte de Mountazer al-Zaïdi, en fait, assez cocasse, à mis tous les rieurs de son côté et le président Bush dans une posture ridicule. Certes, si on peut comprendre que le président américain George W.Bush - qui montra une souplesse de réaction remarquable - ait peu apprécié cette «agression», ce n´est pas le cas des autorités irakiennes qui qualifièrent le geste du journaliste «d´acte honteux». Mais au-delà même du geste de colère du journaliste - lequel a laissé entendre à ses collègues qu´il lancerait ses chaussures contre le président Bush si jamais il a l´occasion de le faire - devenu un véritable héros en Irak et dans le monde arabe, c´est la protection même des chefs d´Etat qui semble faire problème. Et d´aucuns d´imaginer ce que cela aurait pu être si, à la place de chaussures, il y avait eu autre chose. Pourtant, malgré sa garde rapprochée, les multiples contrôles, le fait qu´il se trouvait dans la zone la plus protégée d´Irak, un vrai bunker, quelqu´un a pu néanmoins, approcher le président américain pour mettre à exécution son dessein. Un dessein non pas de violence - la vie de M.Bush n´a jamais été en danger --, sans doute surtout de colère, voire de dérision par le choix même de «l´arme» que le journaliste a utilisée: ses propres chaussures. Cela excuse-t-il pour autant le geste du journaliste irakien? Au regard de la réaction de la population irakienne qui a applaudi, comprenant toute la symbolique qui s´attachait à ce geste de lancer ses chaussures par leur compatriote Mountazer al-Zaïdi. Un geste, qui se voulait plus une dénonciation des crimes commis par l´armée américaine en Irak, qu´un acte de violence proprement dit. En fait, par son geste, le journaliste exprimait une opinion irakienne unanime - si l´ont excepte la réaction un peu guindée des dirigeants irakiens. Cette unanimité se reflète par le fait que 200 avocats irakiens et d´autres arabes et même américains, ont exprimé hier leur souhait de défendre le journaliste gratuitement. C´est dire combien cet acte a marqué les esprits, car il a su exprimer pacifiquement tout le ressentiment que le peuple irakien éprouve envers l´envahisseur américain qui a induit morts et violences dans leur pays. Et puis, ce jet de chaussures dénonçant la violence de l´occupation américaine, a eu plus d´impact sur les esprits (les télévisions du monde entier donnaient, hier, en boucle la scène de Bush esquivant le «projectile» constitué d´une chaussure) que mille articles ou conférences sur ce sujet. En fait, par son acte, Mountazer al-Zaïdi a fait plus pour la paix en Irak que les paroles mielleuses d´un président sortant qui quitte la Maison-Blanche le 20 janvier prochain. Que son successeur, Barack Obama, puisse et sache en tirer tous les enseignements par la mise en application de ses promesses électorales de retrait rapide d´Irak de l´armée américaine.