Il est peu probable que les autorités policières anglaises aboutissent à une piste sérieuse. Les sept personnes d'origine nord-maghrébine, dont quatre Algériens, demeurent toujours dans les locaux de Scotland Yard. Les interrogatoires, à ce jour, n'ont pas encore abouti à une piste sérieuse, mais les responsables de la police britannique ne désespèrent pas de trouver le fil conducteur vers la nébuleuse Al-Qaîda. Interpellés à Edimbourg, pour certains, et à Londres, pour les autres, les sept inculpés nord-maghrébins (Karim Benamar, Salah Mouilef, Hakim Ziane, Abdellah Abdelhafid, Mourad Idir Abbès, Ghalem Belhadj et Sofiane Lahmar) constituent un véritable puzzle pour les autorités britanniques. Sont-ils connus par le DRS algérien? Ont-ils des liens avec le Gspc ou avec Al-Qaîda? Agissent-ils pour les intérêts et sur les ordres de Ben Laden? Autant de questions qui restent en suspens. Ce coup de filet, qui a suscité l'engouement de Tony Blair, risque de n'être qu'un flop. Un peu comme l'arrestation «spectaculaire et médiatique» de l'Algérien, bagagiste à Roissy, à la veille de Noël, et qui n'était, en fait, qu'un coup monté par des proches de l'accusé. Finalement, ce qui a donné tout son impact médiatique à l'arrestation des Nord-Africains, c'est la découverte d'une crème de ricin, poison mortel, dans la maison de l'un des inculpés. La police britannique cherche à déterminer si d'importantes quantités de la substance, potentiellement mortelle, sont encore aux mains de gens affiliés au groupe arrêté. Elle cherche aussi - et surtout - à savoir si les hommes arrêtés voulaient utiliser cette crème de ricin aux fins de provoquer une grande panique plutôt que de causer des morts en grand nombre. Le ricin, qui peut être obtenu avec des moyens rudimentaires à partir de la plante du même nom, s'apparente plus à une arme de criminels intelligents (elle peut tuer un homme par inhalation ou par piqûre) qu'à celle de terroristes projetant des attentats de grande portée. Et la grande panique que la presse britannique voulait peut-être provoquer, en poussant les populations à adhérer à l'idée d'une menace imminente, a été très largement amplifiée. Le territoire anglais, qui reste un des grands et derniers sanctuaires de l'islamisme, a été jusque-là épargné par les attentats des groupes fondamentalistes. Les leaders des groupes islamistes ont toujours donné ordre de ne pas provoquer d'attentat sur le sol anglais, et cette directive a été largement respectée. Si aujourd'hui, une menace réelle plane sur Londres, il y a surtout à craindre l'exacerbation des islamistes radicaux concernant l'implication active et ostentatoire des troupes militaires de Sa Majesté contre Bagdad. Cette donne politique est largement «exploitable» au moment où les grands bouleversements du monde confinent les Etats arabes à un rang de simples observateurs. La mouvance islamiste radicale, qui s'est longtemps tournée vers la guerre contre ses propres dirigeants dans les pays du monde arabo-musulman, peut très bien aujourd'hui «globaliser» la menace et orienter ses objectifs contre les intérêts occidentaux. Le coup d'envoi a été donné avec les attentats anti-américains du 11 septembre 2001 et il n'y a rien qui présage que les autres pays, dont principalement la Grande-Bretagne, puissent être épargnés. Ceci pour expliquer que les raisons qui ont dû pousser les sept Maghrébins à intégrer une (quelconque) organisation criminelle peuvent être d'ordre politique et non idéologique, l'islam restant, dans tous les cas de figure, un agent stimulant assez puissant pour parvenir à les faire adhérer au principe d'une action contre les pays occidentaux.