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Des villages oubliés
TAZROUT OUAOUDHA (DRAÂ EL-MIZAN )
Publié dans Liberté le 26 - 11 - 2008

Monter jusqu'à cette grappe de villages située sur le flanc ouest de Draâ El-Mizan relève de l'aventure. En effet, même si la route reliant la ville à cette localité a été refaite en tapis, il n'est pas facile de trouver un taxi ou un fourgon.
Ces pauvres montagnards ne descendent en ville qu'avec la bénédiction des clandestins. En ce début du mois de novembre, notre guide nous montre la station des transporteurs garés derrière la mosquée Ali-Mellah de Draâ El-Mizan. Après discussion avec l'automobiliste, nous prenons place à bord d'une Peugeot 505 qui peine à grimper cette pente jusqu'au col de Tizi Larba, à quelques sept cents mètres d'altitude.
À ce niveau, des gendarmes régulent la circulation et contrôlent tous les véhicules de passage car on est à la frontière avec la wilaya de Bouira. À quelques mètres plus bas, un bureau de poste est affecté aux troupes militaires et à la garde communale. Première escale : Tazrout Nezlioua.
LE FOYER POUR JEUNES ATTEND SA MISE EN SERVICE
Sur un piton se dresse une infrastructure flambant neuve qui a attiré notre intention. Notre accompagnateur nous apprend qu'il s'agit d'un foyer pour jeunes. “C'est un foyer pour jeunes. Les jeunes du village n'ont pas où aller. Il faut que les autorités fassent quelque chose pour le mettre en service, sinon il va subir le même sort que les infrastructures laissées à l'abandon : soit il va être squatté, soit il va devenir un lieu de regroupement pour les oisifs”, explique notre guide.
Tout en avançant sur ce territoire, nous découvrons la réalité amère dans laquelle vivent ces citoyens. Les quelques femmes rencontrées sur cette route se dirigent aux champs pour cueillir les olives. “Ici, les villageois ne sont même pas encouragés pour développer l'agriculture de montagne ou encore faire de l'élevage. Ils vivent du peu de ressources qu'ils ont. Alors que dans chaque famille, il y a au moins deux à trois jeunes au chômage”, commente notre compagnon. Pour arriver à notre destination, nous passons devant des hameaux aussi misérables les uns que les autres. À l'entrée de Tazrout Aouaoudha, le détachement de la garde communale. Ces hommes en bleu veillent sur ces montagnes. C'est la première localité où a été créé ce corps de sécurité qui a tout de même assuré la défense des citoyens pris entre le marteau et l'enclume.
Notre guide nous raconte que cette zone a été le fief des groupes armés. Même si un semblant d'accalmie semble dominer, sporadiquement des actes sont signalés ici et là : incursions dans les hameaux, sabotages du gazoduc — car juste à quelques kilomètres c'est la commune d'Aomar où le village de Laqraib n'est pas loin ainsi que le massif de Begas, sinistrement connu pour les actes terroristes divers.
AUCUNE GOUTTE D'EAU DEPUIS TROIS MOIS
Les habitants de ce versant ne souffrent pas seulement des affres du terrorisme, mais aussi du manque des commodités pour une vie décente. À commencer par l'eau potable. Même si l'on est aux portes de l'hiver, les citoyens continuent à s'approvisionner auprès des tracteurs citernes.
Notre guide affirme que l'eau n'a pas coulé des robinets depuis trois mois. “Peu avant l'été, on nous servait l'eau dans les bornes fontaines une fois par semaine. Puis rien. En tout cas, on ne comprend rien à ce sujet. Personne ne détient la vérité. Chacun essaie de trouver des justificatifs. Manque d'eau pour certains, sabotage pour d'autres. Allez-y comprendre”, nous dit un citoyen membre d'une association de la localité.
A quand la cantine scolaire pour le collège ?
Il est midi. Devant le portail de l'école, des élèves grignotent des quignons de pain accompagnés d'un verre de limonade.
Interrogé à propos de la cantine scolaire, notre guide nous donne sa version : “Ce collège a bénéficié d'un projet de cantine scolaire de deux cents rations, mais il n'a pas été lancé. On dit qu'il n'y a pas d'entreprise réalisatrice. Les entrepreneurs ne se bousculent pas à soumissionner pour prendre des projets dans notre région. On a donné une mauvaise image de cette localité. En tout cas, ce sont les enfants qui souffrent.” Les parents d'élèves ont interpellé les autorités et la tutelle sur cette situation.
En plus, il faut ajouter que le personnel de cet établissement est essentiellement vacataire ; c'est pourquoi ce collège se classe au bas du tableau au niveau de la daïra et de la wilaya. Même lorsque les élèves arrivent à passer le cap de la quatrième année moyenne, ils peinent à suivre leurs études au lycée car ils souffrent du manque de moyens et de transport scolaire.
Tazrout Sidi Aïssa, Aïn Laghdir, Qedcha, des villages abandonnés
Avant de quitter Tazrout Aouaoudha, notre guide nous montre quelques maisons abandonnées. Nous lui demandons alors l'explication.
“Ils ont fui leur village. Ils étaient quotidiennement persécutés par les groupes armés. Après des années de souffrance, les pauvres habitants de Tazrout Sidi Aïsa, d'Aïn Laghdir et de Qedcha ont laissé derrière eux leurs maisons et leurs terres. Environ cent vingt familles sont parties. Elles sont installées dans des bidonvilles à Bouira et à Draâ El-Mizan. Au fil des ans, leurs habitations ont subi d'énormes dégâts.” Et d'ajouter : “Depuis deux ou trois ans, avec la promulgation de la loi sur la concorde civile, les autorités ont réalisé quelques opérations pour incite les citoyens à y revenir. Cela n'a pas été convaincant. Plus tard, on ne sait jamais.”
Notre compagnon nous suggère de changer de route. Nous descendons en empruntant le chemin communal qui mène à Tizi-Ghenif long de onze kilomètres. C'est un itinéraire encore plus abrupt que le premier, car il est non seulement difficile, mais il fait peur par la végétation qui le domine. Avant d'arriver à Tizi Ghenif, notre guide nous rappelle l'un des faux barrages qui a coûté la vie à quatre agents de sécurité appartenant à des différents corps.
Non loin du tronçon où a eu lieu ce double attentat, se dresse l'hôtel Tala. En temps de paix, un tel lieu conviendrait à développer le tourisme. Quittant ces villages abandonnés, l'espoir demeure grâce au développement des forces de sécurité dans cette région qui devient sécurisée de jour en jour, conditions sine qua non pour tout développement de quelque nature que ce soit.
F. I.


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