Le retour d'un confrère sur les massacres de Had Chekala et Ramka, la nuit du jour de l'an 1998, fait partie des manifestations qui, parfois, viennent déranger une mémoire nationale assoupie par commodité ou matée par la pensée unique réconciliatrice. Signe des temps, en cette époque de confusion, un des témoins à charge du crime terroriste, dans le reportage, est un ancien “émir” de l'AIS qui, probablement, vit en notable de la réconciliation nationale et qui voudrait imposer le message absurde selon lequel il y aurait les cruels terroristes qui massacrent et d'autres, comme lui, qui furent les victimes du “takfir” du GIA de Zouabri ! Autre signe des temps, c'est dans cette région qu'on a imputé une activité d'“escadrons de la mort” à des Patriotes. Qui aurait dit qu'il s'avérerait légalement moins risqué de massacrer sous l'égide de groupes terroristes islamistes que d'être soupçonné de crime sous le couvert de résistance au terrorisme ? Mais les vrais témoins, ce sont ces enfants, réunis depuis le jour du carnage dans un orphelinat, près de Relizane. Chaque survivant qui s'exprime rappelle cette horrible vérité : dans chacune de leur famille, il y a eu plus de tués que de survivants ! Il a fallu attendre plus de huit ans pour que l'Etat, par la voix d'un Chef du gouvernement, concède que le carnage était bien plus massif que tout ce qui a été rapporté : mille victimes au lieu des “cent cinquante à quatre cents” annoncés par des officiels et des “sources”. Sacrifiées sur l'autel de la réconciliation avec l'islamisme belliqueux, les victimes du terrorisme n'auront peut-être jamais la réparation à laquelle elles ont droit : la justice. Il est pour le moins inconvenant de se limiter à proposer “quelque chose” à quelqu'un qui a perdu quelqu'un. Les Patriotes qui, là où ils existaient, avaient fortement limité les exactions des terroristes et leurs forfaits, en sont toujours au statut de sujets accessoires de l'après- “tragédie nationale” : on s'en occupera une fois qu'on sera libéré de la mission prioritaire de satisfaire les attentes des terroristes élargis. Le ministre de l'Intérieur vient de rappeler la sempiternelle formule : “L'Etat est reconnaissant de leur sacrifice et ne les oubliera pas.” Le RND, qui ne peut tout de même pas renier l'utilité électorale de ces Patriotes, en 1997 notamment, en a fait un leitmotiv. Mais il s'en tient toujours à la même formulation votive : l'Etat devrait récompenser ceux qui l'ont aidé à survivre. Pour l'instant, ce sont ceux qui ont tenté de l'abattre que l'Etat honore avec un souci exemplaire de complétude pour qu'aucun “ayant droit” ne soit oublié. Même pas ceux dont le retard de pension est dû à leur propre “négligence”, précisait, dernièrement, le président de la République. Pourtant, les occasions de consacrer la reconnaissance de l'Etat pour ses Patriotes n'ont pas manqué. Quel cadre conviendrait mieux qu'un plan de parachèvement du programme de gouvernement à cette nécessaire réhabilitation ? Dans cette affaire, l'Etat semble avoir choisi de payer ses destructeurs et de se payer de mots à l'endroit de ses défenseurs. M. H.