Traverser la ville est déjà une péripétie, atteindre ses environs immédiats est un parcours du combattant. à quatre-vingt piges fêtées il y a quelques jours, ammi Lakhdar a bon pied, bon œil. Il est le premier, chaque matin que Dieu fait à se taper une trotte de trois kilomètres pour venir du bout de la ville s'offrir un express dans son café de toujours. Un rituel qu'il accomplit, selon ses dires, par acquis de conscience depuis des décennies. Sa grande discrétion lui a conféré une mémoire dépassant les archives de la commune. Nous l'avons découvert fortuitement en lui demandant de nous indiquer le chemin de Sidi Boukhris, nom du saint protecteur de Khraicia. Il se rappelle de l'époque où cette paisible localité respirait la joie de vivre lorsque ses habitants, dix fois moins qu'actuellement, se levaient tôt pour travailler les champs et rentraient l'après- midi savourer les senteurs de la nature autour d'interminables parties de dominos sous le regard vigilant du cafetier. Le vieux n'aime pas tellement regarder dans le rétroviseur. Ça le rend triste de parler d'un passé où on ne se faisait pas de mouron même si le sou venait souvent à manquer. “La réalité finit toujours par rattraper le rêve”, pense l'octogénaire. Pour lui, les temps ont changé, les gens aussi. La solidarité était un moyen de lutte efficace contre le sentiment d'isolement et les villageois se serraient les coudes devant les circonstances difficiles. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Cependant, ammi Lakhdar, très lucide, regarde en direction de la municipalité pour déverser sa colère, accusant les élus et les autorités de n'avoir aucune considération pour les citoyens. Il n'a pas tort le vieux et pour preuve, la ville comme ses hameaux vivent les mêmes problèmes : des routes dans un état lamentable et un réseau électrique rappelant les temps anciens. À Sidi Boukhris, les habitants sont exaspérés par cette situation pour laquelle les autorités locales ne semblent pas se faire de souci. Qu'on en juge : l'été dernier, les services de Sonelgaz décident la pose de canalisations d'alimentation en gaz de ville. Tout le monde salue la bonne action. Mais voilà qu'à peine ces travaux terminés, d'autres travaux d'assainissement et d'AEP sont annoncés alors que les voies éventrées venaient juste d'être refermées. Ces travaux, nous signale-t-on, ne concernant qu'un tronçon de 800 m devaient conformément aux délais prévus se terminer dans vingt jours. “La négligence et l'irresponsabilité inégalées des deux entreprises font que lesdits travaux sont toujours en cours après plus de quatre mois, soit 120 jours. Le taux d'avancement ne dépasse actuellement pas 50%”, disent-ils. La route principale est transformée en patinoire où la boue occupe une bonne partie de l'espace. Comme la saison des pluies ne fait qu'aggraver les choses, il est aisé de deviner la situation dans laquelle se fait la circulation. Pour ce qui est de l'autre grand problème à savoir l'alimentation en énergie électrique, il faut dire tout de suite que c'est une catastrophe. Le transformateur aérien prévu à l'origine pour alimenter quelques maisons s'est avéré insuffisant pour répondre aux besoins de tout un quartier comme la cité du 8-Mai 1945. Les premières conséquences enregistrées sont les coupures intempestives et répétées à longueur de journée et de la semaine sans oublier les chutes de tension fréquentes qui endommagent les appareils électroménagers. “La Sonelgaz se limiterait-elle à la simple facturation et le rafistolage des vieux câbles ? Où est passée la prestation de service ?”, s'interrogent les citoyens. Ces derniers expliquent avoir saisi à maintes reprises l'APC qui s'est contentée de faire des promesses. Il a bien raison le vieux Lakhdar. ALI FARES