Tout a été dit sur l'économie algérienne : ses points faibles (ils sont nombreux) comme ses points forts (il y en a quand même quelques-uns). Nous savons ainsi que les anticipations budgétaires basées sur 37 dollars le baril font que le budget 2009 est déficitaire de 18% et sera rééquilibré à partir du fonds de régulation des recettes (FRR). Mais ce sont les derniers chiffres du Cnis sur les importations et ceux du ministre des Finances sur la balance des services qui sont source d'inquiétudes plus sérieuses pour 2009. D'abord les importations de marchandises enregistrées par les douanes se sont élevées à près de 40 milliards de dollars en 2008. Elles ont presque doublé en deux ans. En plus il ne faut pas omettre les importations non déclarées de la “valise” mais aussi du conteneur que signalent les autorités des partenaires étrangers et qui continuent d'alimenter les marchés informels avec tous les dangers en matière de contrefaçon et de qualité. L'un dans l'autre, même si l'on arrive à contenir la valeur des importations pour 2009 au niveau de celles de 2008, cela représentera le montant estimé de nos recettes devises pour 2009 : un peu moins de 40 milliards. C'est à dire 38 milliards de dollars de recettes d'hydrocarbures auxquels s'ajouteront 2 milliards de dollars d'exportations hors hydrocarbures. Les hypothèses de calcul sont simples : un prix moyen en 2009 représentant la moitié de celui de 2008, soit 44 dollars le baril et le même niveau d'exportations hors hydrocarbures. Pour la première fois depuis quelques années, l'Algérie risque de se retrouver en décembre 2009 avec une balance commerciale déficitaire. Le rappel par les pouvoirs publics des dispositions du décret présidentiel n°02-250 du 44 juillet 2002 portant réglementation des marchés publics précisant qu'“une marge de préférence d'un taux maximum de 15% est accordée au produit d'origine algérienne” est à cet égard utile mais insuffisant. C'est en direction du secteur privé qu'il faudra surtout agir pour rationaliser à défaut de réduire les importations en remettant au goût du jour le “made in bladi” du FCE. S'agissant des invisibles, il y a lieu d'ajouter quelque 6 milliards de dollars de services (et dividendes ?) à verser au reste du monde qu'il faudra bien financer à partir des réserves de change. Avec en plus le programme d'investissement maintenu en l'état, notamment pour l'énergie, se profile une deuxième menace qui affectera à terme notre balance des paiements. C'est le traitement anticipé de ce problème potentiel qui justifie pour l'essentiel l'instruction du 21 décembre du Premier ministre relative aux IDE. Cette dernière rend ainsi obligatoire pour chaque projet d'IDE une “balance en devises excédentaires au profit de l'Algérie et cela pendant toute la durée de vie de cette réalisation”. Elle déduit également des bénéfices éligibles à transfert les montants équivalents des avantages douaniers, fiscaux et autres octroyés au titre du régime général ou de celui de la convention. Enfin, tout en stipulant que “l'actionnariat national sera majoritaire”, elle laisse cependant possible la gouvernance de l'affaire par le partenaire étranger “en tant que premier des actionnaires en termes de parts détenues”. Il y a des chances qu'en ces temps d'assèchement du crédit et de forte récession, les IDE viennent quand même à ces conditions car les financements à “mobiliser exclusivement sur le marché financier local” sont disponibles ici. En attendant, les nouvelles qui proviennent du Forum de Davos sont mauvaises. En effet, les deux scénarios optimistes de sortie rapide de crise ont été abandonnés : celui du découplage des économies selon lequel la croissance asiatique disposait de ses propres ressorts pour tirer celle du reste du monde et celui d'une crise en “V”, où une forte et brutale récession serait suivie d'une reprise tout aussi rapide et robuste. Le FMI en rajoute une couche en prévoyant pour 2009 un taux de croissance mondiale de 0,5%, le plus faible depuis 60 ans. La prochaine étape de la crise est la déflation mondiale, perceptible déjà au Japon, avec une baisse durable des prix et des salaires. Cela diminuera le coût de nos importations. Cela n'a pas échappé au ministre des Finances qui, dans son entretien dans le quotidien Liberté du 29 janvier 2009, relève que “les prix des matières premières et des produits de première nécessité importés vont baisser” en attendant “de faire basculer les importations vers la production nationale”. À chaque malheur quelque chose est bon. M. M.