La récession mondiale et la dégringolade des cours du pétrole font planer certains doutes sur la capacité de l'Algérie à maintenir son aisance à moyen terme. A tel point que certains analystes remettent en cause le maintien des programmes de dépense publique initiés par les pouvoirs publics et la position financière extérieure de l'Algérie. Dans ce contexte, l'ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, a assuré que l'Algérie ne sera pas affectée par la crise économique mondiale, même avec un baril de pétrole à 40 dollars. Selon lui, l'Algérie a acquis la solvabilité externe jusqu'à 2015. L'optimisme de Benachenhou est basé sur le volume des réserves de change qui sont de 142 milliards de dollars, et qui représentent, selon lui, quatre années d'importations au rythme actuel (34 milliards de dollars en 2008). A ce titre, il a affirmé qu'il n'y aura pas de crise de pouvoir d'achat de manière à affecter l'appareil de production. Au cous d'une soirée-débat organisé par le Forum des chefs d'entreprise (FCE), mercredi à Alger, portant sur la crise financière et son impact sur l'Algérie, Benachenhou a affirmé que le budget sera financé durant les 3 années à venir, même avec un prix du baril de pétrole à 37 dollars. Tout en soulignant la sagesse du gouvernement, de créer en 2001 le fonds de régulation des recettes, qui dispose actuellement de 4 200 milliards de dinars, il a déclaré que ce fonds permettra d'équilibrer le budget de l'Etat et de maintenir les projets d'investissement en cours. Selon M. Benachenou, il n'y a pas de risque budgétaires jusqu'à 2012, ajoutant que l'équilibre du budget de 2009 est assuré avec un baril à 60 dollars, mais si ce prix baisse à 37 dollars, prix de référence de la loi de finances pour 2009, le fonds de régulation des recettes permettra de tenir durant trois ans. L'ancien responsable des finances s'est basé, dans cette analyse, sur les prévisions de certains analystes pour l'année, lesquels estiment que le prix du baril de pétrole oscillera entre 55 et 60 dollars. Par ailleurs, il prévoit que la baisse des prix du pétrole va tirer la croissance économique de l'Algérie vers le bas, en expliquant que lorsque le prix du pétrole est divisé par deux, la croissance perd 25%. A ce titre , il a précisé que la part des hydrocarbures dans le PIB est passée de 33% en 2002, à 50% en 2008, ajoutant qu'avec une moyenne de prix du pétrole en 2009 estimée à entre 55 % à 60%, l'Algérie perdra un quart de sa croissance. Cependant, l'ancien argentier du pays a déploré la stagnation de l'agriculture et la désindustrialisation de l'Algérie, dont le produit industriel en 2007 est égal à celui de 1983. Pour lui, la croissance économique est tirée par les secteurs de la construction et des services qui présentent une faible productivité, de faibles salaires, mais de gros profits. Dans ce cadre, il s'est alarmé de l'incapacité de l'Algérie à transformer son épargne en investissement. A ce titre, il a expliqué que le taux d'épargne est passé de 40% en 2003 à 60% en 2008, tout en affirmant que cette épargne, à 77% publique, est disponible pour financer l'économie. Dans ce contexte, il s'est interrogé sur le maintien du planning de Sonatrach portant sur les projets d'investissement, en suggérant que cette entreprise qui contribue dans le taux d'épargne, de prendre tout son temps avant de signer les 5 projets de partenariat qui lui reste, notamment celui de Beni Saf. Selon lui, il faut protéger ce programme car, il est important, ajoutant qu'il faut aussi avoir une réflexion supplémentaire sur les différents projets internationaux et regarder les business plans et savoir ce qu'il faut faire dans la conjoncture actuelle. Enfin, il a plaidé en faveur de la relance de la politique d'épargne nationale en jugeant que les taux d'intérêt proposés par les banques sont dérisoires et s'est inquiété du coût pour l'accès des particuliers au logement. Hamiani veut un fonds souverain et Rabrab veut acquérir des entreprises à l'étranger
L'Algérie doit tirer profit de cette crise. C'est le constat fait par plusieurs économistes, dont Benachenhou, qui a affirmé que l'Algérie doit tirer profit de cette crise quel que soit le prix du baril, desserrer la contrainte budgétaire, améliorer les dépenses qui constituent 40% du budget et se poser la question, qu'est-ce qui est éligible pour le marché du financement. L'Algérie doit également bien traiter ses invités "les investisseurs étrangers". Et selon le professeur M. Ben Issad, l'Algérie reste attractive et doit réfléchir en matière politique d'investissement locaux et internationaux. En tout cas, pour des patrons et des économistes algériens, l'Algérie doit profiter de la crise économique mondiale pour réduire sa forte dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et permettre à ses entreprises d'acquérir à l'étranger des sociétés fragilisées par la conjoncture. Pour l'armateur Maersk Algérie, Laurent Bresson, "l'Algérie, la Russie et le Vietnam sont les trois pays qui peuvent profiter de la crise". Dans ce cadre, le FCE demande un fonds souverain et Cevital veut acquérir des entreprises à l'étranger. Selon Réda Hamiani, président du FCE , la crise économique est un signal fort pour restructurer l' économie en la rendant moins dépendante des hydrocarbures. Il a également suggéré la relance de l'agriculture et de l'élevage pour réduire la dépendance alimentaire du pays vis-à-vis de l'étranger. Il propose aussi la création d'un fonds souverain, alimenté par une partie des recettes pétrolières, pour acquérir à l'étranger des entreprises fragilisées par la crise. Selon lui, il faudrait cibler "nos principaux fournisseurs, par exemple de produits alimentaires, pour en avoir le contrôle et les inciter à venir s'installer dans notre pays", ajoutant que "les opportunités offertes par la crise financière ne risquent pas de se représenter durant ce siècle". Tout en plaidant pour l'usage de surliquidités dans les banques pour booster l'investissement en précisant qu'au moment où en Occident on parle de récession économique et de crise de liquidités, l'Algérie, qui maintient ses investissements publics, dispose de surliquidités dans ses banques. Pour sa part , Mustapha Mékideche, consultant en stratégie économique et vice-président du Cnes, séduit par l'idée du fonds souverain, milite pour le rachat d'actifs industriels à l'étranger, au plus bas actuellement, dans des branches industrielles telles que la pétrochimie ou l'Algérie investit massivement ces dernières années. A ce titre, il a expliqué que l'Algérie, qui privatise certaines de ses entreprises, peut aussi attirer des investisseurs japonais et français cherchant à acquérir des actifs à l'étranger. De son côté, Issaâd Rebrab, P-DG de Cevital, a révèle qu'il veut profiter de la crise pour acquérir des entreprises à l'étranger, dont la valeur actuelle est inférieure à leur valeur intrinsèque, mais disposant de technologies et de marchés. Selon lui, la prise de participation à l'étranger est l'un des moyens de diversifier notre économie et de sortir du carcan des hydrocarbures, de booster les exportations hors hydrocarbures et de permettre aux entreprises algériennes de se développer à l'international. A ce titre, il a déploré le fait que la Banque d'Algérie, qui a renforcé sa politique de contrôle des changes, "n'autorise pas toutes les entreprises algériennes à investir à l'international". Il faut dire que la crise financière redessine, depuis plusieurs mois, les rapports de force économiques dans de nombreux secteurs, et représente une opportunité intéressante pour les entreprises algériennes riches en capital.