La lutte contre le blanchiment d'argent sale, destiné à la drogue ou au terrorisme, avec pour chef de file, théoriquement tout au moins, la CTRF (cellule de traitement du renseignement financier) et la fuite des capitaux, dans un contexte d'abondance, semble vouée à l'échec, lorsqu'elle n'est pas dirigée essentiellement contre de simples lampistes. Selon un expert consulté à propos de la fuite des capitaux, “si on prend en considération la définition de la fuite des capitaux (FC = variation de la dette +(plus) variation des investissements directs - (moins) les comptes courants et la variation des réserves), l'opération étant positive pour l'Algérie, il n'y aurait pas de fuite des capitaux au nom de cette arithmétique élémentaire”. Toutefois, l'expert ajoute : “Or, durant les années 2005 et 2007, les résultats sont faussés par les très importants revenus issus des hydrocarbures et par les remboursements de la dette extérieure par anticipation”. De gros transferts pouvant cacher des malversations indécelables, ou difficilement décelables, si l'on devait tenir compte des complicités déployées souvent pour faire évader des capitaux vers des comptes occultes. En 2008, année où, semble-t-il, il n'y a pas eu de remboursement par anticipation alors que les revenus des hydrocarbures sont restés élevés, il sera tout autant difficile d'estimer le niveau des fuites de capitaux. Afin d'obtenir une estimation approximative, il faudrait soit revenir aux années avant 1998 ou attendre la fin de l'année 2009 pour tenter une estimation approximative des fuites de capitaux. Même si déjà on peut estimer que sur les quarante milliards de dollars de la facture des importations, il y a eu, sans doute des fuites de capitaux, si l'on tient compte du fait que l'économie algérienne est encore loin de posséder la capacité d'absorber 40 milliards de dollars d'importations. Selon les données de la Cnuced, la fuite des capitaux, pour l'ensemble des pays africains, représentait en 2007 près de 400 milliards de dollars depuis l'Indépendance, et plus précisément, depuis qu'ils ont commencé à s'endetter durant les années 1970, soit au total deux fois l'équivalent de la dette extérieure de l'Afrique, “ce qui fait du continent noir le créancier net du reste du monde”, selon Samuel Gayi, expert auprès de la Cnuced. Pour la seule période 1991 et 2004, la fuite des capitaux a représenté chaque année en moyenne 13 milliards de dollars, “soit un pourcentage vertigineux de 7,6% du produit intérieur brut (PIB) annuel” du continent, relève la Cnuced. Pour la seule année 2003, les sorties de capitaux auraient atteint les 30 milliards USD. Et, ironie du sort, dans certains cas, c'est la dette elle-même qui aurait fourni les fonds pour les sorties de capitaux, note le rapport de la Cnuced. “La fuite des capitaux continue de priver les pays africains d'une quantité considérable de ressources pour l'investissement”, déplorent ses auteurs. “Si ces ressources étaient allouées à des investissements productifs, elles permettraient de créer des emplois et de fournir des revenus à de larges segments de la population”, estime la Cnuced. Afin de “stopper cette hémorragie financière”, la Cnuced suggère aux gouvernements africains d'envisager une amnistie temporaire sur le rapatriement de capitaux “sans poser de questions” sur l'origine des fonds. Une position onusienne qui a probablement inspiré le président Bouteflika lorsqu'il a fait appel aux “détenteurs de capitaux expatriés, afin qu'ils viennent, sans crainte d'être inquiétés, investir en Algérie et créer de l'emploi”. Montée au créneau de la CCFC En octobre 2007, alors que la privatisation du CPA se trouvait en bonne voie, après de nombreuses recapitalisations, les experts du CCFC ont lancé un gros pavé dans la mare, en contestant la notion même, trop galvaudée à leur goût, et avec raison, de “créances douteuses” trop souvent prises en charge par le Trésor public. Ces créances, selon la CCFC, “constituent des crédits octroyés à 350 PME, entre 1997 et 2005, et destinés à l'importation de biens d'équipements”. Des crédits s'élevant à la somme de 900 millions de dollars. “Ces crédits non remboursés ont fait l'objet de nombreux rééchelonnements-consolidations, avant d'être placés de manière fictive, par le CPA, dans des comptes spécifiques”, selon le site de la CCFC, qui ajoute que “ces mécanismes techniques sont de vrais stratagèmes visant à couvrir légalement une immense fuite de capitaux, en respectant les formes juridiques et comptables”. Toujours selon le même site, la CCFC aurait adressé “plus de 50 correspondances, entre 2005 et 2007, aux plus importants décideurs du pays, présidence, Premier ministère, ministère des Finances, IGF, Banque d'Algérie, pour mettre en garde contre une privatisation du CPA qui viserait à effacer les 900 millions de dollars de créances douteuses au profit des PME concernées”. En Algérie, un organisme spécifique a été créé en vue de lutter contre le blanchiment d'argent et la fuite de capitaux, le CTRF (Cellule de traitement du renseignement financier), affilié au GAFI (Groupe de lutte contre la fraude financière internationale) et théoriquement indépendant de trop lourdes tutelles. Mais aucune prise de taille n'est tombée dans son escarcelle. Tout au moins aucune prise qui ait reçu le traitement médiatique qu'elle aurait mérité dans un pays où l'argent coule à flots, mais pas toujours dans le bon sens. D. Z.